Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/128

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S’apercevant que Job baissait les yeux, et se retirait timidement en arrière, Lionel s’arrêta, et jetant un regard derrière lui, il aperçut le capitaine de grenadiers, qui, debout, les bras croisés, regardait en silence le cadavre de l’Américain.

— Auriez-vous la bonté de m’expliquer, major Lincoln, dit Mac-Fuse, lorsqu’il reconnut Lionel, pourquoi cet homme est étendu mort ici ?

— Ne voyez-vous pas la blessure qu’il a reçue à la poitrine ?

— Je ne vois que trop que c’est un coup de fusil qui l’a couché là. Mais pourquoi ? dans quel dessein ?

— C’est une question à laquelle nos chefs peuvent seuls répondre, Mac-Fuse, reprit Lionel. Le bruit court cependant que le but de l’expédition est de saisir certains magasins de vivres et d’armes que les colons ont rassemblés, à ce qu’on craint, dans des intentions hostiles.

— Je ne m’étais donc pas trompé en pensant que c’était quelque expédition aussi glorieuse qu’on nous destinait, dit Mac-Fuse, tandis que l’expression d’un froid mépris se peignait sur ses traits durs et prononcés. Dites-moi, major Lincoln, car, quoique vous soyez encore bien jeune, vous êtes plus initié que nous dans les secrets de nos généraux ; Gage pense-t-il qu’il soit possible d’avoir une guerre lorsque les armes et les munitions sont toutes du même côté ? Dieu merci, voilà assez longtemps que la paix dure, et lorsqu’il semble se présenter une occasion d’amener tout doucement une petite affaire, voici justement qu’en brusquant les choses on nous fait manquer le but que nous allions atteindre.

— Je ne sais, Monsieur, si je vous comprends bien, dit Lionel. Assurément des troupes telles que les nôtres ne peuvent acquérir que peu de gloire dans une lutte contre des habitants sans armes et sans expérience de l’art militaire.

— C’est exactement ce que je veux dire, Monsieur. Il est évident que nous nous entendons parfaitement l’un et l’autre sans avoir besoin de circonlocutions. Ces miliciens sont sur la bonne route ; et si on leur laissait encore quelques mois pour se former, alors il pourrait y avoir du plaisir à se battre avec eux. Vous savez comme moi, major Lincoln, qu’il faut du temps pour former un soldat ; et si on les prend au dépourvu et sans qu’ils soient préparés, autant vaudrait alors disperser un rassemblement de la