Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/168

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Tenez, voyez ! voici un, billet d’un livre aussi bon qu’on en a jamais vu dans la colonie de la baie de Massachusetts, et un homme qui a dans sa poche un billet d’une livre peut aller au marché et y acheter tout ce qu’il veut ; il n’y a pas d’acte du parlement qui le défende.

— Vous avez pillé les morts, misérable ! s’écria Lionel en voyant dans la main de Job quelques pièces d’argent, indépendamment du billet dont il parlait.

— Ne dites pas que Job est un voleur ! s’écria l’idiot d’un air menaçant ; il y a encore des lois dans la colonie, quoiqu’on ne s’en serve guère ; mais le temps viendra où l’on rendra justice à tout le monde. Job a tué un grenadier, mais Job n’est pas un voleur.

— Vous avez donc été payé pour votre message secret, la nuit dernière, jeune insensé ; et vous vous êtes laissé tenter par l’argent au point de vous exposer au danger ? Que ce soit la dernière fois ! À l’avenir, quand vous serez dans le besoin, venez me trouver, et rien ne vous manquera.

— Job ne fera pas de commission pour le roi, quand il lui donnerait sa couronne d’or, ses diamants, et tout son clinquant, à moins que cela ne lui plaise ; il n’y a pas de loi pour cela.

Lionel, pour apaiser l’idiot irrité, lui dit quelques mots d’un ton doux et conciliant ; mais Job ne daigna pas lui répondre, se retira dans son coin d’un air sombre et mécontent, et s’y coucha par terre, comme pour réparer, par quelques moments de sommeil, les fatigués de la journée.

Pendant ce temps Ralph était retombé dans une profonde rêverie, et le major se rappela que l’heure s’avançait, et qu’il n’en avait pas encore obtenu l’explication qu’il désirait. Il lui en parla donc de nouveau de la manière qu’il crut la plus propre à réussir dans son projet. Du moment qu’il eut fait une remarque sur l’agitation que sa tante avait manifestée, le vieillard releva la tête avec un sourire dans lequel on pouvait reconnaître la fierté du triomphe, et il répondit en appuyant sa main sur son cœur :

— Elle partait de là, jeune homme, elle partait de là. Il fallait le pouvoir de la conscience, et la connaissance que j’ai de tous les secrets de cette femme coupable, pour la faire trembler et la rendre muette devant une créature humaine.

— Mais en quoi consiste cette connaissance ? Je suis en quelque