Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/204

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vains discours, il le quitta après lui avoir recommandé de venir le trouver le soir.

En rentrant chez lui, le major Lincoln s’enferma dans son cabinet particulier et passa plusieurs heures à écrire et à examiner des papiers importants. Il y eut une lettre entre autres qu’il écrivit, qu’il lut, qu’il déchira et qu’il recommença plus de six fois ; enfin il y apposa son cachet et mit l’adresse avec une sorte d’insouciance qui prouvait que ces essais réitérés avaient épuisé sa patience. Il confia ces papiers à Meriton, avec ordre de les remettre à leurs différentes adresses, à moins qu’il ne lui fît dire le contraire avant le lendemain, et alors il prit à la hâte un peu de nourriture. Pendant le temps qu’il avait passé dans son cabinet, il avait plus d’une fois déposé la plume pour prêter l’oreille lorsque le bruit de la rue, pénétrant jusqu’à sa retraite, annonçait l’effervescence et l’agitation qui régnaient dans Boston. Ayant enfin rempli la tâche qu’il s’était assignée lui-même, il prit son chapeau et se dirigea à pas précipités vers le centre de la ville.

Des trains d’artillerie roulaient avec fracas sur le pavé, et les artilleurs, ayant leurs officiers à leur tête, suivaient chacun leur pièce. Des aides-de-camp couraient à cheval dans les rues, portant de tous côtés des messages importants, et de temps en temps on voyait un officier sortir de sa demeure pour aller rejoindre sa compagnie. À la noble fierté qui respirait dans ses traits se mêlaient des regrets involontaires, lorsqu’en se retournant il voyait encore attachés sur lui des regards où se peignaient la confiance et l’amour. Mais à peine avait-on le temps, au milieu du mouvement général, de remarquer cs légers épisodes de chagrins domestiques, qui se trouvaient absorbés dans l’intérêt du grand drame qui se préparait. De temps en temps les sons éclatants de la musique militaire retentissaient au travers des rues sinueuses, et des détachements défilaient en ordre pour se rendre au lieu désigné pour l’embarquement.

Tandis que Lionnel s’était arrêté un moment au tournant d’une rue, pour admirer la contenance intrépide d’un corps de grenadiers, il reconnut les traits durs et les formes colossales de Mac-Fuse. Le capitaine marchait à la tête de sa compagnie avec une gravité imperturbable qui annonçait qu’il regardait la précision de la marche comme un des incidents les plus importants de la vie. À peu de distance de l’Irlandais, Job Pray réglait son pas