Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/209

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jusqu’à plusieurs milles dans l’intérieur des terres, s’était rassemblée sur un seul point, pour être témoin d’une lutte de laquelle dépendaient les destinées de la province.

Au milieu du silence effrayant de la ville de Boston, Beacon-Hill s’élevait comme une pyramide imposante, sur laquelle on voyait des milliers de têtes tournées toutes vers l’endroit fatal, tandis qu’une foule d’autres spectateurs étaient suspendus aux cordages des vaisseaux, ou étaient montés sur des corniches, sur des coupoles ou des clochers, souvent même au péril de leur vie, tant l’intérêt qu’ils prenaient à ce spectacle absorbait tout autre sentiment ! Les vaisseaux de guerre étaient entrés fort avant dans ces bras de mer étroits qui formaient la péninsule, et envoyaient sans relâche leurs bordées meurtrières à travers le passage qui seul offrait des moyens de communication entre les braves Américains qui occupaient la colline, et leurs compatriotes éloignés. Tandis que les bataillons anglais débarquaient l’un après l’autre dans la plaine, des boulets lancés par les batteries de Copp’s-Hill et par les vaisseaux venaient frapper sur le glacis naturel qui entourait la redoute, ou, rasant le parapet, allaient s’ensevelir dans les flancs du rocher qui s’élevait à plus de cinquante toises par derrière, tandis que des bombes noires et fumantes semblaient rester quelque temps suspendues au-dessus de la colline comme si elles s’arrêtaient pour choisir l’endroit où elles devaient éclater.

Malgré ces préparatifs terribles et ces premières attaques qui avaient duré pendant tout le cours de cette longue matinée, les intrépides paysans ne s’étaient pas ralentis un seul instant dans leurs efforts pour se maintenir jusqu’à la dernière extrémité dans le poste qu’ils avaient osé prendre avec tant d’audace. En vain les Anglais épuisèrent tous les moyens pour les forcer à lâcher prise et à se retirer : les braves colons entendaient sans sourciller leurs boulets qui sifflaient sur leurs têtes, et n’en poussaient pas moins vivement les travaux. La pioche et la bêche ne restaient pas oisives, et malgré la canonnade, les paysans montraient le même sang-froid que s’ils se livraient à leurs occupations ordinaires. Ce n’était pas ce sang-froid du soldat, fruit de l’habitude et que l’âme la plus commune peut acquérir. Ignorant l’éclat des uniformes militaires, couverts des vêtements simples et grossiers de leur profession, n’ayant d’autres armes que celles qu’ils