Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/216

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Dans cet instant un officier haletant arriva sur Copp’s-Hill, et eut un entretien animé avec les deux chefs auprès desquels il s’acquitta de son message, et il retourna aussitôt se jeter dans sa barque avec l’empressement d’un homme qui sait qu’il est employé dans des affaires où il y va de la vie.

— On s’y conformera, Monsieur, dit Clinton d’un air animé au moment où l’officier se retirait, les canonniers sont à leur poste, et l’ordre qui m’est transmis va recevoir son exécution.

— Voilà, major Lincoln, dit Burgoyne avec sensibilité, voilà l’une des épreuves les plus cruelles pour un soldat. Se battre, verser son sang, mourir même pour son prince, voilà son heureux privilège ; mais aussi quelquefois il est condamné à devenir un instrument de vengeance.

Lionel n’attendit pas longtemps l’explication de ces mots : des boulets enflammés partirent en sifflant à côté de lui, et traversant rapidement l’air, allèrent porter la désolation sur les fragiles habitations du village qui s’élevait en face. En moins de quelques minutes une fumée noire et épaisse sortit du milieu des demeures abandonnées, et la flamme active se jouait en serpentant le long des poutres et des solives, comme si, par ses jets brillants et simultanés, elle voulait en un instant prendre possession du vaste domaine qui était devenu sa proie. Il contempla cette scène de destruction dans un morne silence, et tournant les yeux sur ses compagnons, il crut lire l’expression d’un profond regret dans les regards mêmes de celui qui avait donné sans hésiter l’ordre fatal d’incendier le village.

Dans des scènes telles que celles que nous essayons de décrire, les heures paraissent des minutes, et le temps vole avec la même rapidité que la vie court se perdre dans le torrent des âges. Les colonnes en désordre des troupes anglaises s’étaient arrêtées au pied de la colline, et se formaient sous les yeux de leurs chefs avec une discipline admirable. De nouveaux renforts arrivés de Boston étaient venus prendre rang au milieu de la ligne, et tout annonçait qu’on allait livrer un second assaut.

Après le premier moment de stupeur qui succéda à la retraite des troupes royales, la canonnade recommença avec dix fois plus de furie qu’auparavant, et des bombes noires et menaçantes paraissaient suspendues au-dessus des travaux comme des monstres prêts à fondre sur leur proie.