Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/237

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

sans quoi il aurait peut-être reconnu ce service autrement que par des regards de travers.

— Je crains de vous faire des questions sur le résultat de cette journée. Bien des noms distingués doivent grossir la liste de nos pertes.

— Douze ou quinze cents hommes ne peuvent périr dans une telle armée, sans qu’il se trouve parmi eux quelques-uns de nos amis. Je sais que Gage porta notre perte à environ onze cents, mais, après avoir tant méprisé les Yankies, on ne peut rendre justice tout d’un coup à leur prouesse dans sa première fleur. Il est rare qu’un homme puisse marcher sur une jambe sans commencer par boiter un peu, comme je puis le dire par expérience. Calculez treize cents, Lionel, comme un moyen terme, et vous ne vous tromperez pas de beaucoup. Oui sans doute, il est resté quelques braves jeunes gens parmi les morts. Ces drôles de l’infanterie légère, dont j’ai quitté les rangs si à propos, ont été joliment poivrés, et à peine est-il resté du régiment des fusiliers assez d’hommes pour prendre soin de leur chèvre[1].

— Et les soldats de marine ? ils doivent avoir beaucoup souffert. J’ai vu le vieux Pitcairn tomber quelques instants avant moi, dit Lionel en parlant avec hésitation. Je crains aussi que notre camarade, le capitaine des grenadiers, n’ait pas eu une meilleure fortune.

— Mac-Fuse ! s’écria Polwarth en jetant un regard du côté de son compagnon, oui, Mac-Fuse n’a pas été aussi heureux dans cette affaire qu’il l’avait été dans les guerres d’Allemagne. Heim ! Mac était obstiné, Lionel, diablement obstiné en tout ce qui concerne la science militaire ; mais il avait le cœur aussi ouvert aussi généreux, quand il s’agissait de payer sa part d’un écot, qu’aucun officier qui soit au service de Sa Majesté britannique. Je traversai le détroit dans la même barque que lui, et il nous amusa de ses idées originales sur l’art de la guerre. Suivant Mac, c’étaient les grenadiers qui devaient tout faire. Oh ! Mac avait des idées qui n’appartenaient qu’à lui.

— Chacun de nous à ses idées particulières, et il serait à désirer

  1. Ce régiment, par suite et en souvenir de quelque tradition, menait à sa suite une chèvre dont les cornes étaient dorées. Une fois par an il célébrait une fête dans laquelle le quadrupède à longue barbe jouait un principal rôle. Dans la bataille de Bunker-Hill, ce corps fut remarqué par sa bravoure et par les pertes qu’il fit.