Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/306

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que alors je ne songeasse pas que Son Honneur allait se marier. D’ailleurs, Madame, ses habits de deuil sont enfermés dans une armoire, et j’en ai la clé dans ma poche.

— Il est assez bizarre qu’il ait choisi une pareille heure pour s’absenter, et cela le jour même de son mariage.

Meriton s’était habitué depuis longtemps à identifier tous ses intérêts avec ceux de son maître, et le rouge lui monta au visage en entendant ce reproche détourné qui lui semblait s’adresser tout à la fois au peu de galanterie de Lionel, et à son manque de délicatesse en général.

— Mais, miss Agnès… Vous voudrez bien remarquer, Madame… Voyez-vous ; cette noce n’a ressemblé en rien à une noce anglaise ; et je ne saurais dire non plus qu’il soit fort commun en Angleterre de mourir aussi soudainement qu’il a plu à Mrs Lechmere de le faire.

— Peut-être, interrompit Agnès, lui est-il arrivé quelque accident. L’homme le plus insensible ne s’absenterait pas volontairement dans un pareil moment.

Les pensées de Meriton prirent aussitôt la même direction, et l’attachement qu’il avait pour son maître lui fit partager sans hésiter les craintes de la jeune personne.

Agnès appuya son front sur sa main, et resta un instant plongée dans ses réflexions. Elle leva alors la tête et dit au fidèle domestique :

— Savez-vous, monsieur Meriton, où couche le capitaine Polwarth ?

— Si je le sais, Madame ! Le capitaine est un homme qui couche toujours dans son lit, à moins que le service du roi ne l’appelle ailleurs. C’est un homme qui a soin de lui-même que le capitaine Polwarth.

Miss Danforth se mordait les lèvres, et une gaieté maligne se peignit un instant dans ses yeux ; mais le moment d’après elle reprit son air grave et elle continua :

— Je crois donc qu’il faut… C’est une extrémité cruelle et pénible, mais je ne vois rien de mieux à faire…

— Avez-vous quelques ordres à me donner, miss Agnès ?

— Oui, Meriton ; vous allez vous rendre chez le capitaine Polwarth ; et vous lui direz que Mrs Lincoln désire qu’il vienne sur-le-champ ici, dans Tremont-Street.