Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/31

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quefois entendre parler le peuple dans Funnel-Hall. J’étais monté sur les corniches, et je regardais par une fenêtre, le jour de la dernière assemblée qui y a été tenue ; et s’il y avait des soldats sur la place, il y avait dans la salle des gens qui ne s’en inquiétaient guère.

— Tout cela est fort amusant sans doute, dit l’officier d’un ton grave ; mais cela ne me rapproche pas d’un pas de la maison de Mrs Lechmere.

— Ce qu’il dit est instructif, s’écria le vieillard ; continuez, mon enfant. J’aime à l’entendre exprimer ses sentiments avec cette simplicité, cela indique l’état de l’esprit public.

— Que voulez-vous que je vous dise ? répondit Job ; ils parlaient bien, et voilà tout. Je voudrais que le roi vînt ici les écouter, cela abattrait son orgueil ; il aurait pitié du peuple, et il ne songerait pas à fermer le port de Boston. Mais, quand il empêcherait l’eau d’y entrer par le détroit, elle y viendrait par Broad-Sound ; et si on lui bouchait ce chemin, elles arriverait par Nantasket. Il n’a pas besoin de s’imaginer que les habitants de Boston se laisseront priver, par des actes du parlement, de l’eau que Dieu a faite pour eux, tant que Funnel-Hall sera à sa place.

— Drôle, s’écria l’officier d’un ton un peu courroucé, vous nous avez fait perdre tant de temps que voilà déjà huit heures qui sonnent.

L’air animé de l’idiot disparut, et il répondit en baissant les yeux :

— J’avais bien dit au voisin Hopper qu’il y avait plus d’un chemin pour aller chez Mrs Lechmere ; mais chacun veut connaître la besogne de Job mieux que Job lui-même. À présent que vous m’avez fait oublier le chemin, il faut que j’entre pour le demander à la vieille Nab ; elle ne le connaît que trop bien.

— La vieille Nab ! s’écria l’officier, qui est la vieille Nab ? Qu’ai-je affaire à elle ? N est-ce pas vous qui vous êtes chargé de me conduire ?

— Il n’y a personne à Boston qui ne connaisse Abigail Pray, dit l’idiot.

— Que dites-vous ? s’écria le vieillard avec agitation, que dites-vous donc d’Abigail Prey ? n’est-elle pas honnête ?

— Aussi honnête que la pauvreté peut la rendre, répondit l’idiot avec une sorte d’humeur. À présent que le roi a dit qu’on n’en-