Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/317

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pagnons, mais dans le vain désir de pousser l’artifice, s’il était possible, jusqu’à se tromper soi-même.

Lorsque la partie la plus respectable de l’assemblée se fut retirée, le reste des spectateurs n’hésita pas à les suivre, et de tous ceux qui avaient suivi le cortège, Polwarth se trouva bientôt seul avec deux autres, debout devant le caveau. Le capitaine, qui n’avait pas en peu de peine pour conserver le maintien grave et posé qui convenait à un ami intime de la famille de la défunte, resta encore une ou deux minutes immobile à sa place pour donner le temps à ses deux compagnons en retard de se retirer aussi, avant que lui-même se permît de songer à partir. Mais s’apercevant que tous deux se maintenaient à leur poste, dans une attention silencieuse, il leva les yeux pour examiner de plus près quels pouvaient être ces deux traîneurs.

La personne qui était le plus près de lui était un homme dont l’air et l’habillement n’annonçaient pas qu’il occupait un rang bien élevé dans le monde, et l’autre était une femme d’une condition encore inférieure, à en juger par les haillons dégoûtants qui la couvraient. Un peu fatigué des exercices pénibles de la journée et de la multiplicité des fonctions dont il avait été chargé, le digne capitaine porta la main à son chapeau, et dit avec une gravité convenable :

— Je vous remercie, bonnes gens, de l’hommage que vous venez de rendre à la mémoire de ma défunte amie ; mais nous avons accompli maintenant tout ce que nous pouvions faire en sa faveur, et nous allons nous retirer.

Encouragé probablement par la physionomie prévenante de Polwarth, l’homme s’approcha de lui, et, après avoir fait un salut respectueux, se permit de lui demander :

— On dit, Monsieur, que ce sont les funérailles de Mrs Lechmere dont je viens d’être témoin ?

— On vous a dit vrai, Monsieur, répondit le capitaine en prenant lentement le chemin de la porte ; de Mrs Priscilla, veuve de M. John Lechmere, dame d’une illustre famille, et je crois que personne ne niera qu’elle n’ait eu un enterrement honorable.

— Si c’est la dame que je crois, continua l’étranger, elle est en effet d’une famille très-ancienne. Son nom de famille était Lincoln, et elle est tante du grand baronnet de cette famille dont les propriétés sont dans le Devonshire.