Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/340

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pauvreté, d’un être attaqué d’une telle maladie, que vous voulez apprendre des nouvelles de votre mari ! Non, jeune dame, vous vous moquez de nous ; il n’est pas digne d’être dans les secrets des gens riches et puissants.

— Je serai pourtant bien surprise s’il n’est pas instruit de ce que je désire savoir. Un vieillard, nommé Ralph, n’a-t-il pas logé fréquemment dans cette maison depuis environ un an ? n’y était-il pas encore caché il n’y a que quelques heures ?

Abigaïl tressaillit en entendant cette question, mais elle n’hésita pas à y répondre, et sans aucun détour.

— C’est la vérité. Si je dois être punie pour avoir reçu un homme qui vient je ne sais d’où, qui va je ne sais où, qui peut lire dans le cœur, et qui sait ce que nul homme, par ses propres moyens, ne peut jamais savoir, il faut m’y soumettre. Il était ici hier, peut-être y sera-t-il encore ce soir, car il va et il vient comme bon lui semble : vos généraux et votre armée peuvent le trouver mauvais, mais une femme comme moi n’oserait le lui défendre.

— Qui l’a accompagné la dernière fois qu’il est parti d’ici ? demanda Cécile d’une voix si basse que, sans le profond silence qui régnait, on n’aurait pu l’entendre.

— Qui ?… mon fils, mon pauvre insensé ! s’écria Abigaïl avec une précipitation qui semblait avoir pour but de savoir plutôt à quoi elle devait s’attendre, soit en bien, soit en mal. Si c’est un acte de trahison de suivre les pas de cet homme sans nom, Job a certainement à en répondre.

— Vous vous méprenez sur mes intentions ; je vous assure qu’elles sont bonnes, et vous vous trouverez bien de répondre à mes questions, si vous y répondez avec vérité.

— Avec vérité ! répéta Abigaïl en regardant Cécile avec un air de fierté et de mécontentement ; mais vous êtes riche, et les riches ont le droit de rouvrir les blessures des pauvres.

— Si j’ai dit quelque chose qui puisse blesser la sensibilité d’un enfant, dit Cécile avec douceur, je le regrette bien sincèrement. Je n’ai nul dessein de vous chagriner ; au contraire, je veux être votre amie, et je vous le prouverai quand l’occasion s’en offrira.

— Non, non ! s’écria Abigaïl en frissonnant ; ce n’est pas la femme du major Lincoln qui peut jamais être l’amie d’Abigaïl Pray, et prendre le moindre intérêt à son sort !