Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/348

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jeune homme, comment aimez-vous une tranche de jambon ? bien cuite ou dans son jus ?

L’odeur savoureuse de grillades avait pénétré jusque dans la petite chambre, et avait donné un nouvel aiguillon à l’appétit de Job qui s’était soulevé sur son lit, d’où il suivait des yeux tous les mouvements de son bienfaiteur ; ses lèvres desséchées remuaient d’impatience, et chaque regard de ses yeux hébétés annonçait l’empire absolu que les besoins physiques exerçaient sur son faible esprit. Il répondit à cette question avec simplicité :

— Le plus tôt fait sera le meilleur pour Job.

— Sans doute, sans doute, réplique le capitaine méthodiste en faisant retourner les grillades, que Job dévorait déjà en imagination ; mais malgré la presse, on aime à bien faire ce qu’on fait ; encore un moment de patience, et ce sera un morceau digne d’un prince. Shearflint, prenez cette assiette de bois ; il est inutile de songer à la cérémonie dans un cas aussi urgent. Eh bien ! sale coquin, essuie-la donc avec le pan de ton habit. Quel bouquet ! Allons, viens, aide-moi à retourner près du lit.

— Puisse le Seigneur, qui lit dans le cœur de toutes ses créatures, vous bénir et vous récompenser pour le soin que vous prenez de mon malheureux enfant ! s’écria Abigaïl dans la plénitude de son cœur ; mais croyez-vous qu’il soit prudent de lui donner une pareille nourriture dans l’état où il se trouve ?

— Et que voulez-vous lui donner, bonne femme ? soyez sûre que sa maladie ne vient que d’inanition. Un estomac vide est comme une poche vide, le diable y entre pour jouer quelque mauvais tour. Ne me parlez jamais d’un docteur qui prescrit la diète ; la faim est une maladie en elle-même, la plus grande des maladies, et tout homme raisonnable qui est au-dessus du charlatanisme ne croira jamais que la diète puisse être un remède : la nourriture soutient le corps, c’est comme une jambe de bois. À propos, Shearflint, ayez soin de chercher dans les cendres les ferrures de la mienne, et remettez quelques nouvelles tranches sur le feu. Mangez, mon brave garçon, mangez, continua Polwarth se frottant les mains de plaisir en voyant avec quel air d’avidité Job prenait l’assiette qu’il lui présentait ; le second plaisir de la vie, c’est de voir manger celui qui a faim, car le premier est encore plus profondément enraciné en nous par la nature. Ce jambon vient de la Virginie, je le sens au fumet. Shearflint, trouveriez--