Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/357

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— Bien loin de s’être rangé du côté des ennemis du roi, il a déjà versé son sang pour la couronne, répondit Cécile en baissant de nouveau son capuchon par un mouvement involontaire, car elle sentait que le moment allait arriver où elle ne pourrait se dispenser de nommer celui qui exerçait une telle influence sur ses sentiments, comme elle l’avait déjà fait connaître.

— Et vous le nommez ?

Cécile répondit à cette question directe d’une voix basse mais distincte. Howe tressaillit quand il entendit le nom d’un officier qui jouissait de tant de considération dans l’armée, quoique ce fût en souriant d’une manière expressive qu’il le répéta d’un ton de surprise.

— Le major Lincoln ! Le refus qu’il a fait de retourner en Europe pour rétablir sa santé se trouve maintenant parfaitement expliqué. Il est sorti de la ville, dites-vous ? il faut que ce soit quelque méprise.

— Je crains que cela ne soit que trop vrai.

Les traits du général reprirent leur air sombre, et il fut évident que cette nouvelle le contrariait.

— C’est trop présumer de ses privilèges, murmura-t-il à demi-voix. Sorti de la ville, dites-vous, jeune dame ? sans mon aveu, à mon insu !

— Mais non par des motifs blâmables, s’écria Cécile respirant à peine et s’oubliant elle-même dans l’inquiétude qu’elle éprouvait pour Lincoln ; des chagrins privés l’ont forcé à une démarche que, comme soldat, il aurait été le premier à condamner en toute autre occasion.

Howe garda un silence froid et menaçant, plus effrayant que n’aurait pu l’être son courroux. Cécile, alarmée, leva un instant les yeux sur le front plissé du général, comme pour pénétrer ses secrètes pensées ; et cédant ensuite à ses craintes avec la sensibilité d’une femme, elle s’écria :

— Vous ne voudriez pas profiter, pour lui nuire, de l’aveu que je viens de vous faire : n’a-t-il-pas versé son sang pour vous ? n’a-t-il pas été six mois aux portes du tombeau pour avoir défendu votre cause ? Mais, Monsieur, quoique le hasard et votre âge l’aient mis sous vos ordres pour un temps, il est votre égal en tous points, et il répondra devant son auguste maître à toutes les accusations qui pourront être portées devant lui, n’importe qui en soit l’auteur.