Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/366

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rivage avec un air d’insouciance, il s’approcha de celle dont il allait se séparer.

— Je désire que ceux que vous allez rencontrer vous montrent le même respect que ceux que vous quittez, lui dit-il avec une franchise qui eût été digne d’un plus vieux marin ; que Dieu vous protège, ma chère dame ! j’ai laissé chez moi deux jeunes sœurs, presque aussi jolies que vous, et je ne vois jamais une femme avoir besoin d’assistance sans penser à elles. Adieu ! quand nous nous reverrons, j’espère que vous verrez de plus près la belle frégate que…

— Vous n’êtes pas si près de vous séparer que vous l’imaginez, s’écria un homme qui était caché derrière un rocher en s’avançant rapidement vers les nouveaux débarqués ; si vous faites la moindre résistance, vous êtes tous morts.

— Partez, camarades, partez, et ne songez pas à moi ! s’écria le midshipman avec une présence d’esprit admirable ; sauvez la chaloupe au péril de votre vie !

Les marins lui obéirent sans hésiter, et le jeune officier, profitant d’un moment où l’Américain qui était survenu si mal à propos se retournait pour appeler ses compagnons, courut vers le rivage, dont il n’était qu’à quelques pas, avec la légèreté d’un cerf, et, si élançant de toute sa force, il tomba dans la mer assez près de la barque pour en saisir le plat-bord. Les marins le tirèrent de l’eau sur-le-champ. Une douzaine d’hommes armés arrivèrent sur le bord de la mer presque en même temps que lui, et leurs mousquets étaient dirigés contre les fugitifs, quand celui qui avait parlé le premier s’écria :

— Ne tirez pas : le jeune homme a eu le bonheur de nous échapper, et il le mérite par sa hardiesse. Assurons-nous de ceux qui restent ; un coup de fusil tiré ne servirait qu’à attirer l’attention de la flotte et du château.

Ses compagnons, qui avaient agi avec la lenteur de gens qui n’étaient pas bien sûrs de ce qu’ils devaient faire, appuyèrent par terre la crosse de leurs fusils et regardèrent la barque qui s’éloignait en se dirigeant vers la frégate tant admirée, et qui fut bientôt à une telle distance que les balles n’auraient pu l’atteindre. Cécile avait à peine pu respirer pendant ce court moment d’incertitude ; mais quand l’instant du danger fut passé pour ceux qui l’avaient conduite, elle se prépara à s’adresser à ceux qui