Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/37

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voyez-vous à la fenêtre, avec des uniformes si brillants, qu’on dirait autant de diable rouges ? mais demain, lorsque la cloche d’Old-South sonnera, ils oublieront leur maître et leur créateur, les pécheurs endurcis qu’ils sont[1] !

— Drôle ! s’écria l’officier, c’est par trop abuser de ma patience. Allez droit à Tremont-Street, ou laissez-moi, que je cherche à me procurer un autre guide.

L’idiot jeta un regard de côté sur la physionomie irritée de son compagnon ; puis il détourna la tête, et se remit en marche en murmurant assez haut pour être entendu :

— Tous ceux qui ont été élevés à Boston savent comment on y observe le samedi soir[2], et si c’est à Boston que vous êtes né, vous devriez aimer les usages de Boston.

L’officier ne répondit rien, et comme ils marchaient alors très-rapidement, ils eurent bientôt traverse deux nouvelles rues, King-Street et Queen-Street, et arrivèrent enfin dans celle de Tremont. À peine y étaient-ils entrés que Job s’arrêta, et dit en montrant du doigt un bâtiment qui était près d’eux :

— Vous voyez cette maison avec une cour et des pilastres, et une grande porte cochère ? en bien ! c’est celle de Mrs Lechmere. Tout le monde dit que c’est une grande dame, mais je dis, moi, que c’est dommage que ce ne soit pas une meilleure femme.

— Et qui êtes-vous pour oser parler si hardiment d’une dame qui est si fort au-dessus de vous ?

— Moi ? dit l’idiot en regardant fixement et d’un air de simplicité celui qui l’interrogeait ; je suis Job Prey, c’est le nom qu’on me donne.

— Eh bien ! Job Pray, voici une couronne pour vous. La première fois que vous servirez de guide à quelqu’un, soyez attentif. Je vous dis, mon garçon, de prendre cette couronne.

— Job n’aime pas les couronnes. On dit que le roi porte une couronne, et que cela le rend fier et dédaigneux.

— Il faut en effet que le mécontentement soit bien général,

  1. L’observation du sabbat est encore rigoureuse en Amérique ; elle l’était encore davantage à cette époque, surtout dans les villes où le presbytérianisme était le culte dominant.
  2. Le sabbat presbytérien, ainsi que cela a déjà été dit, commence le samedi soir pour finir le dimanche après le coucher du soleil.