Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/389

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envers vous et envers moi, plus soumis à la volonté de Dieu. On ne vous soupçonne sûrement pas d’être venu si témérairement dans le camp des Américains, conduit par quelque dessein criminel ? Il serait facile de convaincre leurs chefs que vous ne pouvez être coupable d’une telle bassesse.

— Il est difficile d’échapper à la vigilance de ceux qui combattent pour la cause de la liberté, dit la voix calme de Ralph qui parut inopinément devant eux ; le major Lincoln a trop longtemps suivi les conseils des tyrans et des esclaves, et oublié le pays qui l’a vu naître ; s’il veut être en sûreté, qu’il ouvre les yeux et qu’il revienne sur ses pas, tandis qu’il le peut encore avec honneur.

— Avec honneur ! répéta Lincoln avec une dédain qu’il ne chercha pas à déguiser. Et il se remit à marcher dans la chambre avec vitesse et agitation, sans daigner faire aucune attention au vieillard qui était arrivé si mal à propos. Cécile baissa la tête, se laissa tomber sur une chaise, et appuya son visage sur son manchon, comme si elle eût voulu s’épargner la vue de quelque spectacle horrible et effrayant.

Le silence momentané qui s’ensuivit fut interrompu par le bruit de plusieurs voix qui se firent entendre dans le vestibule : le moment d’après, la porte de l’appartement s’ouvrit, et l’on vit entrer Meriton ; Son arrivée fit tressaillir Cécile, qui se leva précipitamment, et s’écria avec une sorte d’empressement frénétique :

— Pas ici ! pas ici ! Retirez-vous. Pour l’amour du ciel, pas ici !

Le valet hésita ; mais, ayant aperçu son maître, son attachement l’emporta sur son respect.

— Dieu soit loué de ce qu’il me permet de vous revoir, monsieur Lionel ! s’écria-t-il ; c’est le moment le plus heureux que j’aie eu depuis que j’ai perdu de vue les côtes de la vieille Angleterre : si nous étions seulement à Ravenscliffe ou dans Soho-Square, je serais l’homme le plus satisfait des trois royaumes. Ah ! monsieur Lionel, partons de cette province, et retournons dans un pays où il n’y a pas de rebelles, où l’on ne calomnie pas le roi, la chambre des pairs et celle des communes.

— Assez, assez pour l’instant, Meriton, dit Cécile d’une voix presque étouffée ; retournez à l’auberge, dans quelqu’un des collèges, où vous voudrez, mais ne restez pas ici.