Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/399

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— Cela était impossible ; elle était de la branche féminine ; elle n’avait pas de fils.

— Rien ne paraît impossible à ceux dont le levain de l’ambition ronge le cœur avide. Tu sais qu’elle a laissé une petite-fille. Cette petite-fille n’avait-elle pas une mère ?

La liaison de ces deux idées fit entrer une conviction pénible dans le cœur de Lincoln, et celle qui était le sujet de cette remarque appuya la tête sur l’épaule de son mari, de honte et de chagrin, ne sentant que trop la justice et la vérité de ce que disait de son aïeule l’être mystérieux qui s’exprimait ainsi.

— À Dieu ne plaise que moi, chrétien et gentilhomme, continua le vieillard avec quelque fierté, je prononce un seul mot, une seule syllabe, qui puisse tendre à souiller le nom sans tache de celle dont j’ai parlé en dernier lieu, de la fille de cette femme coupable ! L’être aimable qui tremble près de toi, Lionel, ne peut avoir plus d’innocence et de pureté que celle qui lui a donné le jour ; et, longtemps avant que l’ambition se fût rendue maîtresse de la misérable Priscilla Lechmere, le cœur de sa fille appartenait au respectable et vaillant Anglais à qui elle fut unie quelques années après.

En entendant cet éloge de ses parents, Cécile releva la tête ; le poids qui oppressait son cœur s’allégea, et elle écouta avec intérêt ce qui suit.

— Comme les désirs de ma malheureuse tante ne se réalisèrent pas, dit le major Lincoln, quelle influence purent-ils avoir sur le destin de mon père ?

— Tu vas l’apprendre. Sous le même toit demeurait une autre créature, encore plus belle et en apparence aussi pure que la fille de Priscilla. Elle était parente, filleule et pupille de cette misérable femme. Les charmes et les vertus apparentes de cet être, qui semblait un ange revêtu de la forme humaine, attirèrent les jeunes gens et séduisirent le cœur de ton père, et, en dépit de tous les projets de cette femme artificieuse, il l’épousa avant d’avoir reçu les richesses et les honneurs que la fortune lui réservait, et tu naquis, Lionel, pour rendre doublement précieuse à ses yeux cette faveur du destin.

— Et alors ?

— Et alors ton père se rendit dans le pays de ses ancêtres pour réclamer ce qui lui appartenait, et fit tout préparer pour t’y con-