Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/404

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le voyez. Je la conduis à Dorchester, et il n’en coûtera pas un farthing au congrès.

— Et vous allez porter ce foin à la presqu’île de Dorchester ? dit Lionel, ne sachant trop ce qu’il devait faire, et ne pouvant se résoudre à user de violence envers un homme de cet âge, et si peu en état de résister.

— Parlez plus haut, parlez comme vous le faisiez d’abord, car j’ai l’oreille un peu dure. Ce n’est pas qu’on m’ait mis en réquisition ; non, non, on a dit que j’en avais déjà fait assez ; mais, comme dit ma femme, un homme n’a jamais assez fait pour son pays, quand il n’a pas fait tout ce qu’il peut faire. On dit qu’on y porte des fachines, comme ils les appellent, et qu’il leur faut du foin bien serré ; comme je ne sais ce que c’est que leurs fachines, et que je ne manque pas de foin, j’en ai chargé cette voiture, et je la leur porte ; et si ce n’est pas assez, quoi ! Washington n’a qu’à venir, et il peut prendre mes meules, ma grange et tout ce qu’elle contient.

— Puisque vous-êtres si libéral pour le congrès, voudriez-vous venir en aide à ma femme qui a besoin d’aller du même côté, et qui se trouve trop fatiguée pour pouvoir marcher davantage ?

— De tout mon cœur, répondit le voiturier en jetant les yeux autour de lui pour la chercher ; j’espère qu’elle n’est pas bien loin, car je ne voudrais pas que les boulets anglais arrivassent sur nos gens, sur les hauteurs de Dorchester, faute de quelques bottes de foin pour les en préserver.

— Elle ne vous retardera pas un instant, dit Lionel en courant à l’endroit où il avait laissé Cécile, qui était cachée par l’ombre d’une barrière[1] ; et l’ayant amenée près du chariot, il ajouta : — Vous serez bien récompense de ce service.

— Récompensé ! c’est peut-être la femme ou la fille de quelque soldat ; et en ce cas elle devrait être assise dans une voiture à quatre chevaux, au lieu d’être juchée sur un chariot de foin traîné par quatre bêtes à cornes.

— Vous ne vous trompez pas ; son père était soldat, et son mari l’est aussi.

— Que le ciel la bénisse ! Je crois que le vieux Put avait plus d’à moitié raison quand il disait que nos femmes suffiraient pour

  1. Des barrières de bois bordent les champs en Amérique, où il y a très-peu de haies vives.