Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/423

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de la famille, et de quelques oisifs qui s’y étaient joints par curiosité.

Quand le service fut terminé, on se remit en marche, et les deux généraux et l’officier qui les accompagnait reprirent leur conversation à voix basse jusqu’au moment où l’on arriva près d’une voûte située dans un coin du cimetière, et dont la trappe était ouverte. De là on apercevait les hauteurs occupées par les Américains ; et les yeux du général en chef, qui avaient toujours été fixés sur l’officier qui lui parlait, prirent aussitôt cette direction. Cette vue parut avoir rompu le charme de la conversation secrète, et la physionomie inquiète des deux généraux prouva que leurs pensées cessaient de s’occuper de l’histoire des chagrins d’une famille, pour songer aux dangers et aux embarras de leur position.

La bière fut placée devant la porte du caveau, et ceux qui étaient chargés de ce soin se présentèrent pour l’y descendre. Mais quand on eut levé le drap mortuaire, on vit, à la grande surprise de la plupart des spectateurs, qu’il couvrait deux cercueils. L’un était couvert en velours noir, attaché avec des clous d’argent et orné avec toute la pompe de l’orgueil humain ; mais rien ne couvrait la nudité du bois de chêne de l’autre ; une plaque d’argent massive, portant les armoiries du défunt et une longue inscription, décorait le premier ; on ne voyait sur le second que les lettres initiales J. P., sculptées sur le bois.

Les regards impatients des deux généraux anglais firent sentir au docteur Liturgy la valeur de chaque instant ; et, en moins de temps qu’il ne nous en faut pour le dire, le corps du riche baronnet et celui de son compagnon ignoré furent descendus dans le caveau et placés à côté de celui de la femme qui avait été pendant sa vie un fléau pour l’un et pour l’autre.

Après avoir hésité un instant, par déférence pour le major Lincoln, les deux généraux, voyant qu’il paraissait avoir dessein de rester encore quelques instants en ce lieu, se retirèrent en le saluant. Le reste du cortège imita leur exemple, et il ne resta près de Lionel que l’officier à jambe de bois dont nous avons déjà parlé, et en qui le lecteur a sans doute reconnu le capitaine Polwarth. Quand on eut fermé la trappe du caveau, assurée par une forte barre de fer et un bon cadenas, on en remit la clé à Lionel, qui, mettant quelque argent dans la main des acteurs de cette dernière scène, leur fit signe de se retirer.