Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/427

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— Je ne suis restée que pour vous faire mes derniers adieux, cousin Lincoln, lui dit-elle en l’embrassant avec affection ; et maintenant je vais prendre congé de vous, sans vous répéter tous les souhaits que je ne cesserai de faire.

— Vous voulez donc nous quitter ? lui dit le jeune baronnet en souriant pour la première fois depuis plusieurs jours ; vous savez que je ne suis pas le seul à qui cette cruauté…

Il fut interrompu par Polwarth qui, avançant aussitôt, prit la main de miss Danforth, et lui répéta, au moins pour la cinquantième fois, le désir qu’il avait de l’unir pour toujours à la sienne. Agnès l’écouta en silence et avec un air de gravité qui n’empêcha pas un malin sourire de se montrer sur ses lèvres avant qu’il eût fini sa phrase. Elle le remercia de l’air le plus gracieux, mais avec un refus définitif et décidé. Le capitaine soutint ce choc en homme qui en avait déjà essuyé plus d’un semblable ; et il ne l’en aida pas moins avec beaucoup de politesse à descendre dans la barque qui l’avait amenée. Elle y fut reçue par un jeune homme vêtu en officier américain. Sir Lionel crut voir augmenter la rougeur de sa cousine, pendant que son jeune compagnon lui plaçait sur les épaules un manteau pour la préserver du froid. Au lieu de retourner dans la ville, cette barque, qui portait un pavillon parlementaire, se dirigea vers la rive occupée par les Américains. La semaine suivante vit le mariage d’Agnès avec ce jeune officier, et ils prirent possession de la maison de Tremont-Street et de tous les biens de Mrs Lechmere, que Cécile avait abandonnés à sa cousine avec l’agrément de son mari.

Le capitaine de la frégate informa par un signal l’amiral de la flotte de l’arrivée des passagers qu’il attendait, et en reçut l’ordre de partir pour sa destination. Au bout de quelques minutes le léger navire passa devant les hauteurs de Dorchester, vers lesquelles il lança quelques bordées pendant qu’on déployait toutes les voiles. Les Américains ne lui répondirent pas et ne cherchèrent à mettre aucun obstacle à sa course rapide vers la pleine mer. La frégate fit alors force de voiles vers l’Angleterre, où elle portait la nouvelle importante de l’évacuation de Boston[1]. La flotte ne tarda pas à lever l’ancre, et depuis ce temps cette

  1. Boston fut évacué en mars 1776 par suite de la convention conclue entre le général Howe et Washington. Cette ville fut bientôt réparée et fortifiée aux dépens des loyalistes déclarés traîtres à la patrie, etc.