Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/49

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gements. Miss Dynevor laissa tranquillement placer devant elle la table à thé ; mais sa cousine, Agnès Danforth, détourne la tête d’un air de froideur et de mécontentement. Après avoir fait le thé, Caton en versa dans deux tasses cannelées, sur lesquelles étaient peintes de petites branches rouges et vertes fort bien imitées, et présenta l’une à sa maîtresse, et l’autre au jeune officier.

— Mille pardons, miss Danforth, s’écria Lionel dès qu’il eut pris la tasse, les mauvaises habitudes que l’on contracte pendant une longue traversée m’ont empêché de voir que vous n’étiez pas servie.

— Profitez de votre distraction, Monsieur, dit Agnès, si vous pouvez trouver quelque plaisir dans la jouissance dont elle a hâté le moment.

— Mais j’en jouirais bien davantage si je vous voyais partager avec nous ce raffinement de luxe.

— Oui, vous vous êtes servi du terme propre ; ce n’est en effet qu’un raffinement de luxe dont on peut aisément se passer : je vous remercie, Monsieur, je ne prends pas de thé.

— Vous êtes femme, et vous n’aimez pas le thé ? s’écria Lionel en riant.

— J’ignore l’effet que ce poison subtil peut produire chez vos dames anglaises, major Lincoln ; mais il n’est pas difficile à une fille de l’Amérique de s’interdire l’usage d’une herbe détestable, qui est une des causes des commotions qui vont peut-être bouleverser sa patrie et mettre ses parents en danger.

Lionel, qui n’avait voulu que s’excuser d’avoir pu manquer aux égards que tout homme bien né doit aux femmes, inclina la tête en silence, et se tournant d’un autre côté, il ne put s’empêcher de jeter les yeux vers la table à thé, pour voir si les principes de l’autre jeune Américaine étaient aussi rigides que ceux de sa cousine. Cécile, penchée sur le plateau, jouait d’un air de négligence avec une cuillère d’un travail très-curieux, sur laquelle on avait voulu imiter une branche de l’arbuste dont les feuilles odorantes parfumaient le petit salon, tandis que la vapeur qui s’échappait de la théière placée devant elle formait un léger nuage autour de sa jolie tête, et lui donnait un air vraiment aérien.

— Vous au moins, miss Dynevor, dit Lionel, vous ne paraissez pas avoir d’aversion pour la plante dont vous respirez le parfum avec tant de plaisir.