Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/56

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— Il est un sujet sur lequel vous pensez de même ; je m’en suis déjà aperçu ; mais je crois que la ressemblance et la conformité d’opinion ne doivent pas aller plus loin.

— Les facultés de l’esprit dans son enfance et dans sa maturité sont à peu près les mêmes, reprit l’étranger. Le résultat de toutes les connaissances humaines n’est que de savoir à quel point nous sommes soumis à l’empire de nos passions ; et celui qui a appris par expérience à étouffer le volcan, et celui qui n’en a jamais éprouvé les feux, sont assurément des compagnons dignes l’un de l’autre.

Lionel baissa la tête en silence devant une opinion si humble et si modeste ; et, après une pause d’un moment, il changea de sujet.

— Le soleil commence à se faire sentir, dit-il au vieillard, et, lorsqu’il aura dissipé ces restes de vapeurs, nous reverrons ces lieux que chacun de nous a fréquentés dans son temps.

— Et, selon vous, les retrouverons-nous tels que nous les avons laissés ? ou bien verrons-nous l’étranger en possession des lieux de notre enfance ?

— Non pas l’étranger, certainement, car nous sommes les sujets d’un seul roi ; enfants de la même famille, nous avons un père commun.

— Je ne vous répondrai pas qu’il s’est montré père dénaturé, dit le vieillard avec calme ; celui qui occupe maintenant le trône d’Angleterre est moins blâmable que ses conseillers de l’oppression qu’on souffre sous son règne.

— Monsieur, interrompit Lionel, si vous vous permettez de semblables allusions à la personne de mon souverain, il faut que je vous quitte, car il sied mal à un officier anglais d’entendre parler aussi légèrement de son maître.

— Aussi légèrement ! répéta l’autre avec lenteur ; en effet, la légèreté est un défaut qui accompagne d’ordinaire des cheveux blancs et des membres usés par l’âge. Mais votre zèle inquiet vous induit en erreur. J’ai vécu dans l’atmosphère des rois, jeune homme, et je sais séparer l’individu de la politique de son gouvernement. C’est cette politique qui amènera la scission de ce grand empire, et qui privera George III de ce qui a été si souvent et si justement appelé le plus beau fleuron de sa couronne.

— Il faut nous séparer, Monsieur, dit Lionel ; les opinions que