Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 4, 1839.djvu/71

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matière à contester, mais le bon droit était clairement du côté des colons. Se confiant en la justice de leur cause, et ayant peut-être la conscience de leur force, ils s’opposèrent à l’oppression avec une ardeur qui était le résultat de ces sentiments, et en même temps avec un sang-froid qui prouvait la fermeté de leur résolution. Après une lutte de près de deux ans, pendant laquelle la loi fut rendue inutile par l’accord unanime de tout le peuple, qui refusa de faire usage du papier timbré, et qui le détruisait partout où il pouvait le trouver, le ministère, instruit que cette loi sans résultat devenait encore dangereuse pour les serviteurs de la couronne chargés de la mettre à exécution, finit par l’abandonner. Mais, en révoquant l’acte du timbre, le ministère en préparait un autre pour assurer à la Grande-Bretagne la dépendance des colonies américaines[1].

Qu’un empire dont les différentes parties étaient séparées par les mers, et dont les intérêts étaient souvent opposés, ait fini par s’ébranler et par succomber sous son propre poids, c’était un événement que tout homme sage devait prévoir. Mais si l’on n’avait d’autre preuve que les Américains ne songeaient pas dès lors à cette scission, on en trouverait une dans le calme, dans la tranquillité qui se répandit dans toutes les colonies, du moment où l’on apprit que l’acte du timbre était révoqué. Si ce désir prématuré d’indépendants ce eût existé, le parlement aurait bien un prudemment fourni les matériaux propres à alimenter l’incen-

  1. La véritable nature des rapports politiques qui existaient entre l’Angleterre et l’Amérique n’a jamais été parfaitement comprise. Comme chaque province avait sa constitution particulière ou charte, toutes étant essentiellement républicaines, et plusieurs entièrement démocratiques, le seul lien légitime était la prérogative de la couronne. L’influence supérieure d’une contrée métropolitaine, même dans les cas où l’on reconnaissait l’égalise sous d’autres rapports ; quelques droits réservés pour contrôler le commerce, et la nature divisée des gouvernements américains eux-mêmes, assuraient néanmoins un grand ascendant à l’Angleterre. Cependant les Américains se considéraient comme indépendants de la nation anglaise, car la Virginie fut la dernière à détrôner Charles Ier, et la première à restaurer son fils. Après l’exécution du premier, il n’y eut probablement d’autre alternative que la soumission au parlement, comme le substitut ou la conquête de la révolution ; mais en admettant même que l’Angleterre était un agent libre dans la révolution de 1688, l’Amérique ne consentit jamais à remplacer la prérogative royale par le pouvoir de l’aristocratie anglaise. Il est probable que ni l’un ni l’autre hémisphère ne prévirent les résultats ; mais il est certain qu’une aristocratie, s’appelant elle-même parlement, s’éleva sur les ruines de la prérogative royale, tandis que dans le fait cette prérogative était le seul lien légal entre l’Angleterre et l’Amérique. La révolution de 1688 changea complètement la position du roi et de l’aristocratie. Avant cette époque le roi régnait, mais il était tenu en bride par l’aristocratie, et depuis c’est l’aristocratie qui gouverne, tenue en bride, autant que les circonstances le permettent, par le roi et par le peuple. La noblesse d’An-