Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/115

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qui étaient en leur pouvoir, et semblaient ne s’abstenir d’en venir à des actes de violence contre eux que par l’habitude qu’ils avaient de commander à leurs passions ; il en était qui joignaient à ce langage muet des gestes menaçants. Un d’entre eux alla même jusqu’à saisir d’une main les beaux cheveux qui flottaient sur le cou d’Alice, tandis que de l’autre, brandissant un couteau autour de sa tête, il semblait annoncer de quelle horrible manière elle serait dépouillée de ce bel ornement.

Le jeune major ne put supporter cet affreux spectacle, et tenta un effort aussi désespéré qu’inutile pour voler au secours d’Alice ; mais on lui avait lié les mains, et au premier mouvement qu’il fit, il sentit la main lourde du chef indien s’appesantir sur son épaule. Convaincu qu’une résistance impuissante ne pourrait servir qu’à irriter encore davantage ces barbares, il se soumit donc à son destin, et chercha à rendre quelque courage à ses malheureuses compagnes, en leur disant qu’il était dans le caractère des sauvages d’effrayer par des menaces qu’ils n’avaient pas l’intention d’exécuter.

Mais tout en prononçant des paroles de consolation qui avaient pour but de calmer les appréhensions des deux sœurs, Heyward n’était pas assez faible pour se tromper lui-même. Il savait que l’autorité d’un chef indien était établie sur des fondements bien peu solides, et qu’il la devait plus souvent à la supériorité de ses forces physiques qu’à aucune cause morale. Le danger devait donc se calculer en proportion du nombre des êtres sauvages qui les entouraient. L’ordre le plus positif de celui qui paraissait leur chef pouvait être violé à chaque instant par le premier furieux qui voudrait sacrifier une victime aux mânes d’un ami ou d’un parent. Malgré tout son calme apparent et son courage, il avait donc le désespoir et la mort dans le cœur, quand il voyait un de ces hommes féroces s’approcher des deux malheureuses sœurs, ou seulement fixer de sombres regards sur des êtres si peu en état de résister au moindre acte de violence.

Ses craintes se calmèrent pourtant un peu quand il vit le chef appeler autour de lui ses guerriers pour tenir une espèce de conseil de guerre. La délibération fut courte ; peu d’orateurs prirent la parole, et la détermination parut unanime. Les gestes que tous ceux qui parlèrent dirigeaient du côté du camp de Webb, semblaient indiquer qu’ils craignaient une attaque de ce côté : cette