Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/182

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message, que le major, en s’avançant sur le bord du bastion, ne s’était attendu à voir qu’un officier français chargé d’en apporter quelqu’un ; mais dès qu’il eut reconnu la grande taille et les traits de son ancien compagnon, il tressaillit de surprise, et se hâta de descendre du bastion pour regagner l’intérieur de la forteresse.

Le son de quelques autres voix attira pourtant son attention, et lui fit oublier un instant son dessein. À l’autre bout du bastion, il rencontra Alice et Cora qui se promenaient sur le parapet, où de même que lui elles étaient venues pour respirer l’air frais du soir. Depuis le moment pénible où il les avait quittées, uniquement pour assurer leur entrée sans danger dans le fort, en arrêtant ceux qui les poursuivaient, il ne les avait pas vues un seul instant, car les devoirs qu’il avait à remplir ne lui avaient pas laissé une minute de loisir. Il les avait quittées alors pâles, épuisées de fatigue, abattues par les dangers qu’elles avaient courus, et maintenant il voyait les roses refleurir sur leurs joues et la gaieté reparaître sur leur front, quoiqu’elle ne fût pas sans mélange d’inquiétude. Il n’était donc pas surprenant qu’une pareille rencontre fît oublier un instant tout autre objet au jeune militaire, et ne lui laissât que le désir de les entretenir. Cependant la vivacité d’Alice ne lui donna pas le temps de leur adresser la parole le premier.

— Vous voilà donc, chevalier déloyal et discourtois, qui abandonnez vos damoiselles dans la lice pour courir au milieu des hasards du combat ! s’écria-t-elle en affectant un ton de reproche que démentaient ses yeux, son sourire et le geste de sa main ; voilà plusieurs jours, plusieurs siècles que nous nous attendons à vous voir tomber à nos pieds pour implorer notre merci, et nous demander humblement pardon de votre fuite honteuse ; car jamais daim effarouché, comme le dirait notre digne ami Œil-de-Faucon, n’a pu courir plus vite.

— Vous savez qu’Alice veut parler du désir que nous avions de vous faire tous les remerciements que nous vous devons, dit Cora plus grave et plus sérieuse. Mais il est vrai que nous avons été surprises de ne pas vous avoir vu plus tôt, quand vous deviez être sûr que la reconnaissance des deux filles était égale à celle de leur père.

— Votre père lui-même pourrait vous dire, répondit le major, que, quoique éloigné de vous, je n’en ai pas moins été occupé de votre sûreté. La possession de ce village de tentes, ajouta-t-il en