Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/21

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acteurs. Tandis que le voyageur crédule et exalté racontait les chances hasardeuses qu’offraient les déserts, le sang des hommes timides se glaçait de terreur, et les mères jetaient un regard d’inquiétude sur les enfants qui sommeillaient en sûreté, même dans les plus grandes villes. En un mot, la crainte, qui grossit tous les objets, commença à l’emporter sur les calculs de la raison et sur le courage. Les cœurs les plus hardis commencèrent à croire que l’événement de la lutte était incertain, et l’on voyait s’augmenter tous les jours le nombre de cette classe abjecte qui croyait déjà voir toutes les possessions de la couronne d’Angleterre en Amérique au pouvoir de ses ennemis chrétiens, ou dévastées par les incursions de leurs sauvages alliés.

Quand donc on apprit au fort qui couvrait la fin du portage situé entre l’Hudson et les lacs, qu’on avait vu Montcalm remonter le Champlain avec une armée aussi nombreuse que les feuilles des arbres des forêts, on ne douta nullement que ce rapport ne fût vrai, et on l’écouta plutôt avec cette lâche consternation de gens cultivant les arts de la paix, qu’avec la joie tranquille qu’éprouve un guerrier en apprenant que l’ennemi se trouve à portée de ses coups.

Cette nouvelle avait été apportée vers la fin d’un jour d’été par un courrier indien chargé aussi d’un message de Munro, commandant le fort situé sur les bords du Saint-Lac, qui demandait qu’on lui envoyât un renfort considérable, sans perdre un instant. On a déjà dit que l’intervalle qui séparait les deux postes n’était pas tout à fait de cinq lieues. Le chemin, ou plutôt le sentier qui communiquait de l’un à l’autre, avait été élargi pour que les chariots pussent y passer, de sorte que la distance que l’enfant de la forêt venait de parcourir en deux heures de temps, pouvait aisément être franchie par un détachement de troupes avec munitions et bagages, entre le lever et le coucher du soleil d’été.

Les fidèles serviteurs de la couronne d’Angleterre avaient nommé l’une de ces citadelles des forêts William-Henry, et l’autre Édouard, noms des deux princes de la famille régnante. Le vétéran écossais que nous venons de nommer avait la garde du premier avec un régiment de troupes provinciales, réellement beaucoup trop faibles pour faire face à l’armée formidable que Montcalm conduisait vers ses fortifications de terre ; mais le second fort