Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/221

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rons présentaient une scène de tumulte et d’horreur ; maintenant le profond silence qui y régnait pourrait s’appeler à juste titre le silence de la mort. Les vainqueurs étaient déjà partis, après avoir détruit les circonvallations de leur camp, qui n’était plus marqué que par quelques huttes construites par des soldats. L’intérieur du fort avait été livré aux flammes ; on en avait fait sauter les remparts ; les pièces d’artillerie avaient été emportées ou démontées et enclouées ; enfin le désordre et la confusion régnaient partout, et l’œil n’y apercevait plus qu’une masse de ruines encore fumantes, et un peu plus loin plusieurs centaines de cadavres sans sépulture, et dont quelques-uns avaient déjà servi de pâture aux oiseaux de proie et aux animaux féroces.

La saison même paraissait avoir subi un changement aussi complet. Une masse innombrable de vapeurs privait le soleil de sa chaleur en interceptant le passage de ses rayons. Ces vapeurs, qu’on avait vues s’élever au-dessus des montagnes et se diriger vers le nord, étaient alors repoussées vers le midi en longue nappe noire, par un vent impétueux, armé de toute la fureur d’un ouragan, et semblait déjà chargé des frimas de novembre. On ne voyait plus une foule de barques voguer sur l’Horican, qui battait avec violence contre la rive méridionale, comme s’il eût voulu rejeter sur les sables l’écume souillée de ses flots. On pouvait pourtant encore admirer sa limpidité constante ; mais elle ne réfléchissait que le sombre nuage qui couvrait toute la surface du firmament. Cette atmosphère douce et humide, qui, quelques jours auparavant, faisait un des charmes de ce paysage, et adoucissait ce qu’il avait d’inculte et de sauvage, avait entièrement disparu, et le vent du nord, soufflant à travers cette longue pièce d’eau avec toute sa violence, ne laissait ni à l’œil ni à l’imagination aucun objet digne de les occuper un instant.

Ce vent impétueux avait desséché l’herbe qui couvrait la plaine, comme si un feu dévorant y avait passé. Cependant une touffe de verdure s’élevait çà et là, comme pour offrir une trace de la fertilité future d’un sol qui venait de s’abreuver de sang humain. Tous ces environs, qui paraissaient si attrayants sous un beau ciel et au milieu d’une température agréable, présentaient alors une sorte de tableau allégorique de la vie, où les objets se montraient sous leurs couleurs saillantes, sans être adoucis par aucune ombre.

Mais si la violence de l’aquilon fougueux permettait à peine