Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/298

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solitaire, et resta debout devant lui dans une attitude de dignité.

En ce moment la vieille qui avait accablé Uncas de tant d’injures, entra dans l’appartement, prit en main l’unique torche qui l’éclairait, et se mit à exécuter une espèce de danse, en murmurant des paroles qu’on aurait pu prendre pour une incantation. Personne ne l’avait appelée dans la cabane ; mais personne ne parut disposé à lui dire d’en sortir.

S’approchant alors d’Uncas, elle plaça devant lui la torche dont elle s’était emparée, de manière à rendre visible la moindre émotion qui pourrait se peindre sur son visage. Mais le Mohican soutint parfaitement cette nouvelle épreuve ; il conserva son attitude fière et tranquille ; ses yeux ne changèrent pas de direction, et il ne daigna pas même les fixer un instant sur les traits repoussants de cette mégère : satisfaite de son examen, elle le quitta en laissant paraître une légère expression de plaisir, et alla jouer le même rôle auprès de son compatriote, qui ne montrait pas la même assurance.

Celui-ci était encore dans la fleur de l’âge, et le peu de vêtements qu’il portait ne pouvaient cacher la belle conformation de tous ses membres, qui se dessinaient parfaitement à la lueur de la torche. Duncan jeta les yeux sur lui ; mais il les en détourna avec dégoût et horreur en voyant tout son corps agité par les convulsions de la peur. À la vue de ce spectacle, la vieille commençait une sorte de chant bas et plaintif, quand le chef étendit les bras et la repoussa doucement.

— Roseau-Pliant, dit-il en s’adressant au jeune Huron, car tel était son nom, quoique le grand Esprit vous ait donné une forme agréable à l’œil, il eût mieux valu pour vous que vous ne fussiez pas né. Votre langue parle beaucoup dans le combat. Aucun de mes jeunes guerriers ne fait entrer la hache plus profondément dans le poteau de guerre ; aucun n’en frappe si faiblement les Yengeese. Nos ennemis connaissent la forme de votre dos, mais ils n’ont jamais vu la couleur de vos yeux. Trois fois ils vous ont appelé à les combattre, et trois fois vous avez refusé de leur répondre. — Vous n’êtes plus digne de votre nation. — Votre nom n’y sera plus prononcé. — Il est déjà oublié.

Tandis que le chef prononçait ces derniers mots, en faisant une pause entre chaque phrase, le Huron leva la tête par déférence pour l’âge et le rang de celui qui lui parlait. La honte, la crainte,