Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/31

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Le jeune officier venait de tourner la tête pour adresser quelques mots à sa campagne aux yeux noirs, quand un bruit, annonçant la marche de quelques chevaux, se fit entendre dans le lointain. Il arrêta son coursier sur-le-champ, ses deux compagnes l’imitèrent, et l’on fit une halte pour chercher l’explication d’un événement auquel on ne s’attendait pas.

Après quelques instants, ils virent un poulain courant comme un daim à travers les troncs des pins, et le moment d’après ils aperçurent l’individu dont nous avons décrit la conformation singulière dans le chapitre précédent, s’avançant avec toute la vitesse qu’il pouvait donner à sa maigre monture sans en venir avec elle à une rupture ouverte. Pendant le court trajet qu’ils avaient eu à faire depuis le quartier général de Webb jusqu’à la sortie du camp, nos voyageurs n’avaient pas eu occasion de remarquer le personnage bizarre qui s’approchait d’eux en ce moment. S’il possédait le pouvoir d’arrêter les yeux qui par hasard tombaient un instant sur lui, quand il était à pied avec tous les avantages glorieux de sa taille colossale, les grâces qu’il déployait comme cavalier n’étaient pas moins remarquables.

Quoiqu’il ne cessât d’éperonner les flancs de sa jument, tout ce qu’il pouvait obtenir d’elle était un mouvement de galop des jambes de derrière, que celles de devant secondaient un instant, après quoi celles-ci, reprenant le petit trot, donnaient aux autres un exemple qu’elles ne tardaient pas à suivre. Le changement rapide de l’un de ces deux pas en l’autre formait une sorte d’illusion d’optique, au point que le major, qui se connaissait parfaitement en chevaux, ne pouvait découvrir quelle était l’allure de celui que son cavalier pressait avec tant de persévérance pour arriver de son côté.

Les mouvements de l’industrieux cavalier n’étaient pas moins bizarres que ceux de sa monture. À chaque changement d’évolution de celle-ci, le premier levait sa grande taille sur ses étriers, ou se laissait retomber comme accroupi, produisant ainsi, par l’allongement ou le raccourcissement de ses grandes jambes, une telle augmentation ou diminution de stature, qu’il aurait été impossible de conjecturer quelle pouvait être sa taille véritable. Si l’on ajoute à cela qu’en conséquence des coups d’éperon réitérés et qui frappaient toujours du même côté, la jument paraissait courir plus vite de ce côté que de l’autre, et que le flanc