Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/347

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De même que plusieurs autres tribus de ces cantons, ils avaient suivi Montcalm sur le territoire de la couronne d’Angleterre, et avaient fait de fréquentes et sérieuses incursions dans les bois, dont les Mohawks regardaient le gibier comme leur appartenant exclusivement ; mais, avec cette réserve si naturelle aux Indiens, ils avaient jugé à propos de cesser de coopérer avec le général français à l’instant où leur secours pouvait lui être le plus utile, c’est-à-dire lorsqu’il avait marché sur William-Henry.

Les Français avaient expliqué de différentes manières cette défection inattendue de leurs alliés ; cependant l’opinion assez générale était que les Delawares n’avaient voulu ni enfreindre l’ancien traité, qui avait chargé les Iroquois de les défendre et de les protéger, ni s’exposer à être obligés de combattre ceux qu’ils étaient accoutumés à regarder comme leurs maîtres. Quant aux Delawares, ils s’étaient contentés de dire à Montcalm, avec le laconisme indien, que leurs haches étaient émoussées, et qu’elles avaient besoin d’être aiguisées. La politique du commandant général du Canada avait cru plus prudent de conserver un ami passif que d’en faire un ennemi déclaré par quelque acte de sévérité mal entendue.

Dans la matinée où Magua conduisit sa troupe silencieuse dans la forêt, en passant près de l’étang des castors, comme nous l’avons déjà rapporté, le soleil, en se levant sur le camp des Delawares, trouva un peuple aussi activement occupé que s’il eût été plein midi. Les femmes étaient toutes en mouvement, les unes pour préparer le repas du matin, les autres pour porter l’eau et le bois dont elles avaient besoin ; mais la plupart interrompaient ce travail pour s’arrêter de cabane en cabane, et échanger quelques mots à la hâte et à voix basse avec leurs voisines et leurs amies. Les guerriers étaient rassemblés en différents groupes, semblant réfléchir plutôt que converser, et quand ils prononçaient quelques mots, c’était avec le ton de gens qui avaient médité avant de parler. Les instruments nécessaires à la chasse étaient préparés dans les cabanes ; mais personne ne paraissait pressé de s’en servir. Çà et là on voyait un guerrier examiner ses armes avec une attention qu’on y donne rarement quand on s’attend à ne rencontrer d’autres ennemis que les animaux des forêts. De temps en temps les yeux de tout un groupe se tournaient en même temps vers une grande cabane placée au centre du camp, comme