Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/411

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fusion de bracelets et de médailles de toute espèce, quoique son œil éteint et ses traits immobiles fissent un affreux contraste avec la pompe dont l’orgueil l’avait entouré.

Chingachgook était vis-à-vis de son malheureux fils, sans armes ni ornements d’aucune espèce ; toute peinture avait été effacée de son corps, excepté la brillante tortue de sa race, qu’une marque indélébile avait imprimée sur sa poitrine. Depuis que la tribu s’était rassemblée, le guerrier mohican n’avait pas détourné un instant ses yeux désespérés des traits glacés et insensibles de son fils. Son regard était tellement fixe, et son attitude si immobile, qu’un étranger n’eût pu reconnaître quel était celui des deux que la mort avait frappé, que par les mouvements convulsifs que le délire de la douleur arrachait au père, et le calme de la mort qui était empreint pour toujours sur la physionomie du fils.

Le chasseur, penché près de lui dans une attitude pensive, s’appuyait sur cette arme qui n’avait pu défendre son ami, tandis que Tamenund, soutenu par les anciens de la tribu, occupait un petit tertre d’où il pouvait embrasser d’un coup d’œil la scène muette et triste que formait son peuple.

Dans le cercle, mais assez près du bord, se trouvait un militaire revêtu d’un uniforme étranger, et hors de l’enceinte son cheval de bataille était entouré de quelques domestiques à cheval qui semblaient prêts à commencer quelque long voyage. L’uniforme du militaire annonçait qu’il était attaché au service du commandant du Canada ; venu comme un ambassadeur de paix, l’impétuosité farouche de ses alliés avait rendu sa mission inutile, et il était réduit à être spectateur silencieux des tristes résultats d’une contestation qu’il était arrivé trop tard pour prévenir.

Le soleil avait déjà parcouru le quart de sa course, et depuis l’aube du jour la tribu désolée était restée dans ce calme silencieux, emblème de la mort qu’elle déplorait. Aucun son ne se faisait entendre, excepté quelques sanglots étouffés ; aucun mouvement ne se faisait remarquer au milieu de la multitude, si ce n’est les touchantes offrandes faites à Cora par ses jeunes compagnes. On eût dit que chaque acteur de cette scène extraordinaire venait d’être changé en statue de pierre.

Enfin le sage étendant les bras et s’appuyant sur les épaules de ceux qui le soutenaient, se leva d’un air si faible et si languissant, qu’on eût dit qu’un siècle entier s’était appesanti sur celui qui la