Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/60

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— Je me soumets à ces deux conditions ; et autant qu’il est en mon pouvoir, je les ferai observer par mes compagnons.

— En ce cas, suivez-moi, car nous perdons un temps qui est aussi précieux que le sang que perd un daim blessé.

Malgré l’obscurité croissante de la nuit, Heyward distingua le geste d’impatience que fit le chasseur en reprenant sa marche rapide, et il s’empressa de le suivre pas à pas. En arrivant à l’endroit où il avait laissé les deux dames qui l’attendaient avec une impatience mêlée d’inquiétude, il leur apprit brièvement les conditions imposées par le nouveau guide, et leur fit sentir la nécessité de garder le silence, et d’avoir assez d’empire sur elles-mêmes pour retenir toute exclamation que la crainte pourrait vouloir leur arracher.

Cet avis était assez alarmant par lui-même, et elles ne l’entendirent pas sans une secrète terreur.

Cependant l’air d’assurance et d’intrépidité du major, aidé peut-être par la nature du danger, leur donna du courage, et les mit en état, du moins à ce qu’elles crurent, de supporter les épreuves inattendues auxquelles il était possible qu’elles fussent bientôt soumises. Sans répondre un seul mot, et sans un instant de délai, elles souffrirent que le major les aidât à descendre de cheval ; puis Heyward, prenant les deux chevaux en laisse, marcha en avant, suivi de ses deux compagnes, et arriva au bout de quelques instants sur le bord de la rivière, où le chasseur était déjà réuni avec les deux Mohicans et le maître en psalmodie.

— Et que faire de ces créatures muettes ? dit le chasseur qui semblait seul chargé de la direction des mouvements de toute la troupe ; leur couper la gorge et les jeter ensuite dans la rivière, ce serait encore perdre bien du temps ; et les laisser ici, ce serait avertir les Mingos qu’ils n’ont pas bien loin à aller pour trouver leurs maîtres.

— Jetez-leur la bride sur le cou, et chassez-les dans la forêt, dit le major.

— Non ; il vaut mieux donner le change à ces bandits, et leur faire croire qu’il faut qu’ils courent aussi vite que des chevaux s’ils veulent attraper leur proie. Ah ! Chingachgook, qu’entends-je dans les broussailles ?

— C’est ce coquin de poulain qui arrive.

— Il faut que le poulain meure, dit le chasseur en saisissant la