Aller au contenu

Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 5, 1839.djvu/70

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Sommes-nous en sûreté dans cette caverne ? demanda Heyward. N’y a-t-il nul danger de surprise ? Un seul homme armé se plaçant à l’entrée nous tiendrait à sa merci.

Une grande figure semblable à un spectre sortit du fond obscur de la caverne, s’avança derrière le chasseur, et prenant dans le foyer un tison enflammé, l’éleva en l’air pour éclairer le fond de cet antre. À cette apparition soudaine, Alice poussa un cri de terreur, et Cora même se leva précipitamment ; mais un mot d’Heyward les rassura en leur apprenant que celui qu’elles voyaient était leur ami Chingachgook. L’Indien, levant une autre couverture, leur fit voir que la caverne avait une seconde issue, et, sortant avec sa torche, il traversa ce qu’on pourrait appeler une crevasse des rochers, à angle droit avec la grotte dans laquelle ils étaient, mais n’étant couverte que par la voûte des cieux, et aboutissant à une autre caverne à peu près semblable à la première.

— On ne prend pas de vieux renards comme Chingachgook et moi dans un terrier qui n’a qu’une entrée, dit le chasseur en riant. Vous pouvez voir maintenant si la place est bonne. Le rocher est d’une pierre calcaire, et tout le monde sait qu’elle est bonne et douce, de sorte qu’elle ne fait pas un trop mauvais oreiller quand les broussailles et le bois de sapin sont rares. Eh bien ! la cataracte tombait autrefois à quelques pas de l’endroit où nous sommes, et elle formait une nappe d’eau aussi belle et aussi régulière qu’on puisse en voir sur tout l’Hudson. Mais le temps est un grand destructeur de beauté, comme ces jeunes dames ont encore à l’apprendre, et la place est bien changée. Les rochers sont pleins de crevasses, et la pierre en est plus molle à certains endroits que dans d’autres ; de sorte que l’eau y a pénétré, y a formé des creux, a reculé en arrière, s’est frayé un nouveau chemin, et s’est divisée en deux chutes qui n’ont plus ni forme ni régularité.

— Et dans quelle partie de ces rochers sommes-nous ? demanda le major.

— Nous sommes près de l’endroit où la Providence avait d’abord placé les eaux, mais où, à ce qu’il paraît, elles ont été trop rebelles pour rester. Trouvant le rocher moins dur des deux côtés, elles l’ont percé pour y passer, après nous avoir creusé ces deux trous pour nous cacher, et ont laissé à sec le milieu de la rivière.

— Nous sommes donc dans une île ?

— Oui ; ayant une chute d’eau de chaque côté, et la rivière par