Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/124

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sur le droit, et la loi est plus forte qu’un vieillard, qu’il soit savant, ou qu’il soit semblable à moi, qui suis maintenant plus propre à chasser à l’affût qu’a suivre les chiens, comme je le faisais ci-devant. Ha ! ha ! je n’ai jamais vu un prédicateur venir dans un canton nouvellement habité, sans que le gibier y devînt plus rare et la poudre plus chère ; et c’est une chose qui n’est pas aussi facile à trouver qu’une baguette ou une pierre à fusil.

Le ministre, s’apercevant que le malheureux choix qu’il avait fait d’une comparaison avait fourni un argument à son adversaire, résolut prudemment de renoncer à la controverse en ce moment, sauf à la reprendre dans un moment plus opportun. Ayant réitéré avec chaleur son invitation au jeune homme, celui-ci consentit, ainsi que le vieil Indien, à l’accompagner lui et sa fille dans la maison que les soins de Richard Jones avaient préparée pour leur demeure temporaire. Natty Bumpo persista dans sa résolution de retourner dans sa chaumière, et il se sépara d’eux en sortant de l’académie.

Après avoir suivi une des rues du village presque dans toute sa longueur, M. Grant, qui remplissait les fonctions de guide, tourna à gauche dans un champ, à travers deux barrières ouvertes, et entra dans un sentier dont la largeur n’était pas suffisante pour permettre à deux personnes d’y passer de front. La lune s’était alors élevée à une hauteur d’où ses rayons tombaient presque perpendiculairement sur la vallée ; et l’ombre de chacun d’eux se dessinant distinctement sur la neige, aurait pu passer pour autant d’êtres aériens se rendant à une assemblée nocturne. Le froid était piquant, quoiqu’on ne sentît pas un souffle de vent, et le sentier était si bien battu, que la jeune personne qui faisait partie de la compagnie n’éprouvait aucune difficultés marcher sur la neige, quoiqu’on l’entendît craquer sous ses pieds légers.

En tête de ce groupe assez singulier, marchait le ministre, en habit noir carré, tournant de temps en temps la tête en arrière, avec un air de bienveillance, pour s’entretenir avec ses compagnons. L’Indien le suivait, enveloppé de sa couverture appuyée sur ses épaules, la tête nue, mais couverte d’une forêt de cheveux qui lui tombait sur le front et les épaules. Avec son teint brûlé par le soleil, son air calme et ses muscles raidis par l’âge, il semblait, à la clarté de la lune, dont les rayons tombaient obliquement sur sa figure, l’image de la vieillesse résignée, après avoir