Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/205

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homme à bêcher autour des racines d’un érable comme celui-ci ? s’écria Richard en lui montrant un de ces beaux arbres, si communs dans ce canton. C’est presque aussi bien imaginé que de creuser la terre pour y chercher du charbon. Restez en repos, cousin ’Duke, et laissez-moi le soin de votre sucrerie. Voilà M. Le Quoi, qui a été dans les Indes occidentales, et qui a dû y voir faire du sucre. Qu’il nous dise comment on s’y prend en ce pays, et vous pourrez en profiter. Allons, monsieur Le Quoi, comment fabrique-t-on le sucre dans les Indes occidentales ? Y suit-on les procédés du juge Temple ?

Celui à qui cette question s’adressait n’avait pas grande envie de converser, car il avait besoin de toute son attention pour se maintenir en selle sur un petit cheval qui n’obéissait parfaitement ni au mors ni à la bride. On gravissait alors un sentier escarpé et glissant, et tandis qu’il tenait les rênes d’une main, il était occupé à écarter de l’autre les branches d’arbres qui auraient pu déranger l’économie de sa frisure. Il ne crut pourtant pas pouvoir se dispenser de faire une réponse.

— Du sucre ! dit-il ; oui sans doute, on fabrique du sucre à la Martinique, mais ce n’est pas avec un arbre, c’est avec une espèce de roseau que nous appelons… Peste de ces chemins ! je voudrais qu’ils fussent au diable ! Que nous appelons…

— Des cannes, dit Élisabeth.

— Précisément, Mademoiselle, répondit le Français.

— Canne est le nom vulgaire, s’écria Richard : le terme scientifique est saccharum officinarum, de même que le véritable nom de notre érable à sucre est acer saccharinum. Tels sont les noms savants, et je suppose que vous les comprenez.

— Est-ce du grec ou du latin, monsieur Edwards ? demanda Élisabeth au jeune homme, qui marchait devant elle pour lui frayer un passage dans les broussailles ainsi qu’à sa compagne qui la suivait ; ou peut-être ce sont des termes d’une langue encore plus savante, que vous seul ici pouvez nous expliquer ?

Les yeux noirs du jeune homme se fixèrent un instant sur la fille du juge avec une sorte de courroux ; mais leur expression changea dès qu’il vit le sourire enjoué qui accompagnait cette demande.

— Je me souviendrai de cette question, miss Temple, répondit-il en souriant à son tour, la première fois que je verrai mon