Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/276

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CHAPITRE XXVIII.


Ne me demandez pas ce que la jeune fille éprouve ; abandonnée, seule, dans cette heure de terreur ! Peut-être sa raison fléchit ou chancelle ; peut-être un courage au-dessus de celui de son sexe lui donne la force de résister au désespoir.
Scott.



Pendant que Natty et ses compagnons chassaient le daim sur le lac, miss Temple et sa compagne continuaient leur promenade dans le bois, et lorsque le moment d’embarras occasionné par le départ d’Edwards se fut dissipé, elles commencèrent un entretien aussi enjoué qu’innocent. Le sentier qu’elles suivaient les conduisit à une courte distance de la hutte de Bas-de-Cuir, et elles arrivèrent sur une hauteur d’où elles pouvaient l’apercevoir à vol d’oiseau.

Une retenue peut-être naturelle, mais qui devait agir sur elles vivement, avait fait que, dans leurs entretiens les plus confidentiels, jamais aucune d’elles n’avait fait à l’autre la moindre observation sur la situation équivoque dans laquelle on avait trouvé le jeune homme qui depuis quelques mois était si intimement lié avec elles. Si M. Temple avait jugé à propos de demander des renseignements, il avait cru aussi devoir garder pour lui seul ceux qu’il pouvait avoir obtenus. Au surplus, on voyait si souvent alors dans ce pays un jeune homme bien élevé commencer à faire son chemin dans le monde à travers les obstacles que lui opposait la pauvreté, que cette circonstance n’avait rien qui pût exciter la curiosité. Des manières annonçant l’usage du monde auraient produit un effet différent ; mais la conduite froide réservée, quelquefois même brusque d’Edwards dans le commencement de son séjour chez Marmaduke, ne permettait guère qu’on le soupçonnât d’avoir beaucoup vécu dans la société ; et quand, avec le temps, on remarqua en lui plus de liant et de poli, on put croire qu’il en était redevable à la famille qu’il fréquentait alors.