Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/304

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est-ce que nous allons faire une perquisition dans les bois ? Excepté Bas-de-Cuir et Mohican, il n’y a personne qui demeure de l’autre côté du lac. Dites-moi chez qui vous voulez aller, et je vous réponds que je vous y conduirai par un chemin plus court. Il n’y a pas à dix milles de Templeton un pin que je ne connaisse.

— Nous sommes sur la bonne route, répondit Hiram en doublant le pas et en prenant le bras du bûcheron, comme s’il eût eu peur que Kirby ne l’abandonnât. C’est chez Bumppo que nous allons.

Kirby s’arrêta, regarda ses deux compagnons l’un après l’autre, d’un air surpris, et partit d’un éclat de rire assez bruyant pour être entendu dans tout le village.

— Quoi ! s’écria-t-il, c’est Bas-de-Cuir dont il est question ! il peut se vanter d’avoir le coup d’œil sûr pour ajuster, car depuis que je l’ai vu tuer un pigeon au vol avec une seule balle, je conviens que je ne passe qu’après lui. Mais à coups de poings, allons donc ! je le prendrais entre le doigt et le pouce, et je me le mettrais autour du cou comme une cravate de Barcelone. Vous-même, Jotham, vous en viendriez à bout aussi aisément que de couper un pin d’un an. Songez donc qu’il a soixante-dix ans, et qu’il n’a jamais passé pour être bien vigoureux.

— Je ne m’y fierais pas, dit Hiram ; il est plus fort qu’il n’en a l’air. D’ailleurs il a son fusil.

— Que m’importe son fusil ? reprit Kirby ; croyez-vous qu’il voudrait tirer sur moi ? Eh ! non, non, il n’a jamais fait de mal à personne. S’il a tué un daim, je crois qu’il en a le droit aussi bien que qui que ce soit sur la patente. C’est son métier ; il n’en a pas d’autre, et nous vivons dans un pays libre ou chacun a le droit de faire tel métier que bon lui semble.

— À ce compte, dit Jotham, tout le monde a droit de tirer sur les daims en toute saison.

— Je vous dis que c’est son métier, répeta Kirby ; la loi n’a jamais été faite pour un homme comme lui.

— La loi est faite pour tout le monde, dit Hiram, qui commençait à craindre que, malgré son adresse, le danger auquel pouvait exposer l’exécution du mandat ne retombât sur lui ; et elle punit très-sévèrement ceux qui manquent à leur serment.

— Je veux bien que vous sachiez, monsieur Doolitlle, dit l’intrépide bûcheron, que je ne me soucie ni de vous, ni de vos ser-