Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/315

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simple, ignorant, grossier ; il a peut-être des préjugés, quoique je sente que l’opinion qu’il a conçue du monde n’est que trop vraie. Mais il a un cœur, Monsieur, un cœur qui lui ferait pardonner mille défauts. Jamais il n’abandonnerait un ami, non, pas même un de ses chiens.

— C’est un caractère estimable, monsieur Edwards ; mais je n’ai jamais été assez heureux pour obtenir sa bienveillance, car il a toujours eu à mon égard des manières repoussantes ; j’ai supporté cette conduite comme un caprice de vieillard ; et quand je le verrai paraître devant moi, comme accusé, je puis vous assurer que je n’en serai pas disposé pour cela à juger plus sévèrement son crime.

— Son crime ! s’écria Edwards. Est-ce donc un crime que de chasser de chez soi un curieux insolent ? Non, Monsieur, non, si quelqu’un est criminel dans cette affaire, ce n’est pas lui.

— Et qui est-ce donc, Monsieur ? demanda M. Temple en regardant avec son calme ordinaire le jeune homme tremblant d’agitation.

Edwards avait fait de violents efforts sur lui-même jusque alors pour conserver un peu de sang-froid, mais cette question le mit hors de lui, et le torrent retenu n’en déborda qu’avec plus de force.

— Qui ? s’écria-t-il avec véhémence ; et c’est vous qui me faites cette question ? Demandez-le à votre conscience, Monsieur ; approchez-vous de cette fenêtre, regardez cette riche vallée, ce beau lac, ces superbes montagnes, et que votre cœur vous dise, si vous en avez un, pourquoi et comment vous en êtes propriétaire, et à qui ces domaines devraient légitimement appartenir. Interrogez Bas-de-Cuir, le vieux Mohican, et vous verrez s’ils ne vous regardent pas comme l’usurpateur du bien d’autrui.

— Olivier Edwards, répondit Marmaduke, qui avait écouté cette tirade sans manifester d’autre sentiment que celui de la surprise, vous oubliez à qui vous parlez. On dit que vous descendez des anciens propriétaires de ce pays, mais vous avez bien peu profité de l’éducation que vous avez reçue, si elle ne vous a pas appris la validité des droits qu’ont les blancs sur cette contrée. Elle a été concédée à mes devanciers par vos ancêtres eux-mêmes, s’il est vrai que vous en ayez parmi les Indiens, et Dieu sait si j’en ai fait un mauvais usage. Je vous avais donné un asile dans ma