Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/318

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est-ce qu’il est arrivé malheur à Benjamin ? Je sais qu’il a eu une attaque de bile, mais ce que je lui ai fait prendre vendredi dernier a dû le guérir.

— Être bien pire, massa, répondit le nègre ; beaucoup bien pire. Miss Lizzy et miss Grant se promener sur la montagne. Pauvre Brave ! Et Natty Bumppo avoir tué une femme, massa, une femme de panthère. Être tout déchiré. Moi vous montrer ; moi vous faire voir.

Tout cela était parfaitement inintelligible pour le shérif ; mais Aggy, étant descendu à la cuisine, en rapporta une lanterne, et lui montra Brave encore tout couvert de sang, étendu mort près de sa niche, et dont il avait décemment couvert le corps de sa redingote. Richard lui faisait de nouvelles questions auxquelles il ne recevait que des réponses inexplicables, quand la porte du vestibule s’ouvrit, et Benjamin y parut, une chandelle à la main. Le shérif entra sur-le-champ, après avoir jeté sur le bras d’Aggy la bride de son cheval, et lui avoir recommandé d’en avoir soin.

— Eh bien ! Benjamin, s’écria-t-il, que veut dire tout ceci ? Comment ce chien est-il mort ? Où est miss Temple ?

— Dans son hamac.

— Et le cousin ’Duke ?

— Dans la chambre du capitaine, comme de droit.

— Mais comment Brave est-il mort ?

— Vous trouverez tout cela là-dessus, répondit Benjamin en lui montrant une grande ardoise, placée sur une table à côté d’un pot de toddy presque vide, d’une pipe dans laquelle le tabac brûlait encore, et d’un vieux livre de prières.

Il est bon d’informer ici nos lecteurs que, entre autres habitudes, Richard avait la manie de tenir un journal de tout ce qui se passait, non seulement dans la famille du juge, mais encore dans le village, et il y ajoutait même des observations sur l’état de l’atmosphère. Quand il était obligé de s’absenter, ce qui arrivait plus souvent depuis son élévation à la place de shérif, il chargeait Benjamin de le remplacer à cet égard, afin de lui fournir à son retour les notes nécessaires pour remplir les lacunes occasionnées par ses absences. Ce projet aurait offert des difficultés à tout autre qu’à Richard, car le majordome ne pouvait lire que dans un livre de prières imprimé en très-grosses lettres, qu’il savait presque par cœur, et dans lequel il était encore obligé tous