Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/354

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— Des pièces d’or ! dit le vieux chasseur avec une sorte de curiosité enfantine ; il y a bien longtemps que je n’en ai vu. Je me souviens que dans l’ancienne guerre on en trouvait plus aisément qu’on ne trouve des daims aujourd’hui. Je me rappelle un dragon de l’armée de Dieskau qui avait été tué, et qui en avait cousu une douzaine dans sa chemise. J’en puis parler, car j’ai vu découdre le magot, quoique ce ne fût pas pour moi, et elles étaient plus larges que celles-ci.

— ce sont des guinées anglaises, Natty ; et ce n’est qu’un à-compte sur ce que nous voulons faire pour vous.

— Et pourquoi me donneriez-vous ce trésor ?

— Pourquoi, Natty ! Ne m’avez-vous pas sauvé la vie ? Ne m’avez-vous pas sauvée de la fureur de la panthère ?

Le vieux chasseur prit les pièces d’or, et se mit à les examiner l’une après l’autre, disant en même temps : — On dit qu’il y a à vendre dans la vallée du Cerisier un fusil dont la portée est de plus de cent verges. J’ai vu de bons fusils dans ma vie, mais je n’en ai pas encore vu un semblable. Pouvoir tirer à coup sûr à cent verges, c’est quelque chose. Bah ! bah ! je suis vieux, et mon fusil durera plus longtemps que moi. Reprenez votre argent, miss Bessy. Mais le moment est arrivé, je l’entends qui parle à son bétail ; il faut que nous partions. Vous n’en direz rien, miss Bessy ? vous n’en direz rien ?

— Moi, vous trahir ! s’écria Élisabeth. Mais gardez ce portefeuille, Natty ; quand même vous persisteriez à vouloir fuir, cet argent peut vous être utile.

— Non, non, répondit Natty en secouant la tête et en lui remettant le portefeuille dans la main ; pour vingt fusils, je ne voudrais pas vous priver d’une pareille somme. Mais il y a une chose que vous pouvez faire pour moi, si vous le voulez, et, dans le fait, je ne vois que vous à qui je puisse la demander.

— Parlez, Natty ; de quoi s’agit-il ?

— C’est seulement de m’acheter une corne de poudre à tirer. Elle coûtera deux dollars. Ben-la-Pompe a l’argent tout prêt, mais nous n’osons entrer dans le village. Vous en trouverez chez le marchand français ; il en a de la meilleure qualité, juste comme il me la faut. Me rendrez-vous ce service, miss Bessy ? y consentez-vous ?

— Si j’y consens, Natty ! je vous l’apporterai, quand je devrais