Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/55

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des sources du majestueux Susquehanna. On le passait sur un pont grossier, mais solide, et la quantité de bois qui était entrée dans sa construction prouvait que les matériaux n’étaient pas plus chers en ce pays que la main-d’œuvre. Ce fut en cet endroit que les coursiers de Richard Jones rejoignirent le sleigh du juge, qui avançait d’un pas plus convenable à la gravité d’un magistrat. La rue pouvait avoir cent pieds de largeur, mais le chemin frayé pour les voitures n’avait que celle qui était indispensable. Au bout, on apercevait dans le lointain des milliers d’acres de forêt qui ne comptaient encore d’autres habitants que des animaux sauvages. Des troncs d’arbres amoncelés avec profusion devant chaque maison prouvaient que chacun avait pris ses précautions contre la rigueur de l’hiver.

Le dernier rayon du soleil avait brillé sur nos voyageurs pendant qu’ils descendaient la montagne, après avoir quitté Richard. Les cimes des rochers étaient encore éclairées par cet astre qui allait les abandonner à leur tour, quand ils passèrent sur le pont ; mais l’obscurité se répandait déjà sur toute la vallée. Les bûcherons, la cognée sur l’épaule, rentraient chez eux pour se délasser, au coin du feu, des fatigues de la journée. Ils saluaient le juge avec respect, et faisaient un signe de tête familier à Richard, tandis que leurs femmes et leurs enfants accouraient à leurs portes et à leurs fenêtres pour les voir passer. On arriva enfin à la porte extérieure de la maison de M. Temple, et les chevaux entrèrent dans l’avenue de peupliers, alors dépouillés de leurs feuilles. La neige amoncelée sur la terre ne permettait d’entendre ni le bruit que faisait le sleigh dans sa course rapide, ni celui des pieds des chevaux ; mais les clochettes nombreuses dont étaient garnis les harnais des coursiers de M. John firent entendre un carillon qui, donnant l’éveil dans la maison, mit tout en rumeur.

Sur une plate-forme de pierre, très-petite en proportion de la grandeur du bâtiment, Richard et Hiram avaient élevé quatre petites colonnes de bois qui soutenaient le toit couvert en lattes de ce qu’ils appelaient le portique. On y montait par cinq ou six marches en pierre, qui, mal cimentées, avaient déjà, par suite de cette négligence ou par l’effet des gelées d’hiver, dévié considérablement de leur position primitive. Mais ce n’était pas le seul inconvénient qui fût résulté de cette mauvaise construction. On s’était contenté de placer les pierres sur la terre sans aucunes