Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 6, 1839.djvu/85

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— Je reviendrai donc demain matin pour voir le juge Temple, et j’accepte l’offre qu’il me fait d’un sleigh, pour lui prouver que je n’ai pas de rancune.

— De rancune ! s’écria le juge, vous ne devez pas en avoir, puisque c’est bien involontairement que je vous ai blessé.

— Pardonnez-nous nos offenses comme nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés, dit M. Grant : ce sont les propres termes de la prière que fit notre divin Maître lui-même, et elle doit servir de règle à ses humbles créatures.

Olivier Edwards resta un moment dans une sorte de stupéfaction ; après quoi, jetant à la hâte sur tous ceux qui se trouvaient dans le salon un regard presque égaré, il sortit de l’appartement d’un air sombre et mécontent, qui ne permettait guère qu’on cherchât à le retenir.

— Il est étonnant qu’un si jeune homme nourrisse un ressentiment si profond, dit Marmaduke quand il fut parti ; mais il souffre de sa blessure ; le sentiment de l’injure qu’il a reçue est encore tout récent ; j’espère que demain matin nous le trouverons plus calme et plus traitable.

— Vous êtes le maître, cousin ’Duke, s’écria Richard ; mais à votre place, je n’aurais pas abandonné si facilement à cet entêté la possession du daim tout entier. Ces montagnes, ces vallons, ces bois, ne vous appartiennent-ils pas ? Quel droit ce jeune drôle et Bas-de-Cuir ont-ils d’y chasser ? Passe pour Mohican, il peut en avoir quelque droit, étant un naturel du pays. Si j’étais à votre place, j’afficherais dès demain des placards pour défendre à qui que ce soit de chasser sur mes terres et dans mes bois. Si vous le voulez, je vais en rédiger un auquel on fera attention. Je ne vous demande qu’une heure.

— Richard, dit le major Hartmann en secouant les cendres de sa pipe dans la cheminée, moi afoir vécu soixante-quinze ans avec les Mohawks et dans les bois, et mieux valoir traiter avec le diable qu’avec des chasseurs. Un fusil être plus grand maître que la loi.

— Marmaduke n’est-il pas juge ! s’écria Richard. Et à quoi bon être juge et avoir des juges, s’il n’y a pas de lois ? Au diable soit le drôle ! J’ai grande envie de lui faire moi-même un procès pour s’être mêlé de mes chevaux et avoir fait verser mon sleigh. Croyez-vous que je craigne son fusil ? je sais me servir du mien.