Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/110

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diction. — S’il n’y a rien à craindre, nous descendrons dans la plaine ; le jour est trop précieux pour le perdre en paroles comme les femmes des villes qui babillent autour de leur théière.

Sans attendre de réponse, Ismaël s’avança vers la base du rocher, qui formait une sorte de muraille perpendiculaire de près de vingt pieds de hauteur tout autour de la citadelle. Arrivé au pied du roc, il tourna jusqu’à un endroit où il était possible de monter à travers une ouverture étroite, qu’il avait pris la précaution de fortifier en élevant un parapet avec des troncs de cotonniers, parapet qu’il avait défendu à son tour par des chevaux de frise construits avec des branches du même arbre. Comme c’était la clé de la citadelle, un homme armé y était ordinairement placé, et le jeune guerrier qui s’y trouvait alors était indolemment appuyé contre un quartier de roc, prêt à en défendre l’entrée, s’il était nécessaire, pour donner à toute la troupe le temps de se répartir sur les différents points de défense. De ce côté même le roc était encore difficile à gravir. Aux obstacles créés par la nature se joignaient ceux que l’art avait cherché à susciter en outre, et ce ne fut pas sans peine qu’Ismaël atteignit à une sorte de terrasse sur laquelle il avait construit les cabanes où résidait toute la famille. Ces habitations, semblables à celles qu’on voit si souvent sur les frontières des provinces, et qui appartiennent à l’enfance de l’art, étaient construites en bois. Des troncs d’arbres, des écorces, des perches, en formaient tous les matériaux. L’emplacement qu’elles occupaient pouvait avoir une centaine de pieds carrés, et il était assez élevé au-dessus de la plaine, sinon pour se mettre entièrement à l’abri des armes des Indiens, du moins pour diminuer beaucoup le danger. C’est là qu’Ismaël crut qu’il pouvait laisser sans crainte ses enfants sous la garde de leur courageuse mère, et c’est là qu’il trouva dans ce moment Esther se livrant à ses occupations domestiques, entourée de ses filles, élevant de temps en temps la voix pour gronder celle de ces petites filles qui venait à encourir sa colère, et trop occupée de ces soins divers pour avoir fait attention à l’orage qui avait grondé soudainement à ses pieds.

— C’est un bel endroit, en vérité, que vous avez choisi là pour votre camp, Ismaël, dit-elle en accordant un instant de répit à une petite fille de dix ans qui sanglotait à ses côtés, pour transporter l’attaque sur son mari. — On y est en bon air ; que je meure si je ne suis pas sans cesse à compter ces enfants pour voir