Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/122

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Paul continua à écouter dans le silence le plus profond jusqu’à ce que le docteur eût terminé son récit ; alors seulement il secoua la tête d’un air d’incrédulité.

— Étranger, dit-il, le vieil Ismaël vous a plongé la tête dans le fond d’un arbre creux, où vos yeux ne vous servent pas plus que son dard ne sert au frelon. Moi aussi, je sais quelque chose de ce chariot, et je suis certain que le vieux drôle n’est qu’un impudent menteur. Écoutez un peu ; croyez-vous qu’une fille comme Hélène Wade ferait sa société d’une bête sauvage ?

— Pourquoi pas ? pourquoi pas ? répéta le naturaliste ; Nelly a du goût pour la science, et elle écoute souvent avec plaisir les leçons que je lui donne. Pourquoi n’étudierait-elle pas les habitudes d’un animal, fût-ce même un rhinocéros ?

— Doucement, doucement, reprit d’un ton tout aussi positif le chasseur d’abeilles, qui, quoique moins savant que le docteur, semblait du moins beaucoup mieux instruit sur ce sujet ; Hélène est une fille de cœur, je le sais ; elle a du caractère, personne n’en est plus convaincu que moi ; mais, malgré tout son courage, elle est femme après tout. Combien de fois ne lui ai-je pas vu verser des larmes…

— Ah ! vous connaissez donc Nelly ?

— Un peu, si vous le trouvez bon ; mais je sais qu’une femme est une femme, et tous les livres du Kentucky ne sauraient faire qu’Hélène Wade restât seule dans la même tente avec une bête féroce.

— Il me semble, dit le Trappeur avec calme, qu’il y a quelque chose d’obscur et de mystérieux dans cette affaire. Je suis témoin que le voyageur n’aime pas qu’on aille fourrer le nez dans sa tente, et j’ai une preuve beaucoup plus sûre que toutes celles que vous pourriez alléguer l’un et l’autre, qu’aucune bête n’est renfermée dans le chariot. Vous voyez Hector : jamais chien n’a eu l’odorat plus fin ni plus subtil, et s’il y en avait eu quelqu’une près de nous, ce fidèle serviteur n’aurait pas manqué de le dire à son maître.

— Prétendez-vous opposer un chien à un homme, une brute à un savant, l’instinct à la raison ? s’écria le docteur avec quelque chaleur. Comment un chien pourrait-il distinguer, je vous prie, les habitudes, l’espèce, ou même le genre d’un animal, comme l’homme aidé du raisonnement et de la science ?

— Comment ? répéta froidement l’habitant de la Prairie ; écoutez,