Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/195

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— Et vous, mon Inez, de quelle manière avez-vous été traitée ?

— Sans l’injustice qu’ils ont commise en m’arrachant de force à mes amis, je pourrais dire que mes ravisseurs m’ont traitée en tout aussi bien que les circonstances où ils se trouvaient le permettaient. Je crois que celui qui est certainement le maître ici n’est encore qu’un novice en perversité. Il a eu, en ma présence, une querelle terrible avec le misérable qui m’a enlevée, et ils ont fini par faire ensemble un horrible marché, auquel ils m’ont forcée d’acquiescer, et que j’ai été obligée de confirmer comme eux par un serment. Ah, Middleton ! je crains que les hérétiques n’aient pas pour leurs serments le même respect que les chrétiens élevés dans le sein de la véritable Église.

— N’en croyez rien ! ces scélérats ne sont d’aucune religion. Se sont-ils parjurés ?

— Non, ils n’ont pas été parjures ; mais n’était-il pas horrible de prendre Dieu à témoin d’un pacte si criminel ?

— C’est ce que nous croyons, Inez, aussi fermement que le plus vertueux cardinal de Rome. Mais comment ont-ils observé leur serment, et quel en était l’objet ?

— Ils me promirent de ne me soumettre à aucune contrainte, et même de ne pas se présenter devant moi, pourvu que je m’engageasse par serment à ne faire aucune tentative pour m’échapper, et même à ne pas me montrer jusqu’à un certain temps qu’ils fixèrent.

— Et ce temps ? demanda l’impatient Middleton, qui connaissait les scrupules religieux de son épouse ; quel était ce temps ?

— Il est déjà passé. J’avais fait serment par ma sainte patronne, et je l’ai fidèlement gardé, car je ne me montrai sur le rocher que lorsque celui qu’on nomme Ismaël en vint à des actes de violence, et le temps fixé par mon vœu était alors écoulé. Je crois pourtant que le père Ignace lui-même m’en aurait accordé la dispense, attendu la trahison de mes ravisseurs.

— Et dans le cas contraire, murmura le jeune capitaine en serrant les dents, Je lui aurais accordé la dispense de diriger à l’avenir votre conscience.

— Vous, Middleton ! lui répondit sa femme en regardant son visage enflammé, tandis que ses traits pleins de douceur se couvraient aussi d’une vive rougeur, vous pouvez recevoir mes serments, mais vous n’avez certainement pas le droit de m’en accorder la dispense.