Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/205

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der la poursuite, comme un navire change de route pendant un brouillard ou dans l’obscurité pour échapper à la vigilance de l’ennemi.

Deux heures, pendant lesquelles ils marchèrent toujours à grands pas, leur avaient suffi pour tracer un demi-cercle autour du rocher, et pour arriver à un point diamétralement opposé à la première direction de leur fuite. La plupart des fugitifs ne connaissaient pas plus leur position que le voyageur ignorant ne connaît au milieu de l’Océan celle du vaisseau sur lequel il fait une traversée ; mais le vieillard dirigeait la marche avec un air décidé, qui inspirait de la confiance à ses compagnons, en leur donnant une idée favorable de ses connaissances locales. Son chien, s’arrêtant de temps en temps pour consulter l’expression de ses yeux, avait, pendant toute la route, précédé son maître avec la même assurance que s’ils se fussent préalablement concertés sur la direction qu’ils suivraient. Mais à l’expiration du temps dont nous venons de parler, le chien s’arrêta tout à coup, sembla chercher une piste, et commença à aboyer d’un ton sourd et plaintif.

— Oui, Hector, oui ! — Je connais l’endroit, — je le connais ; et il y a de bonnes raisons pour se le rappeler, dit le vieillard en s’arrêtant près du fidèle quadrupède, et attendant que tous ses compagnons fussent réunis autour de lui. Vous voyez ce petit bois qui est devant nous, continua-t-il alors ; nous pourrions y rester jusqu’à ce que cette Prairie devienne une forêt, sans craindre que personne de la liguée d’Ismaël osât venir nous y troubler.

— C’est l’endroit où gît le corps de l’homme mort, s’écria Middleton en jetant les yeux sur le bois, et paraissant révolté de ce souvenir.

— Précisément ; mais il reste à savoir si ses parents l’ont trouvé et ont rendu ses restes à la terre. Le chien reconnaît la piste, mais il semble un peu dérouté. Il faut donc que vous alliez examiner les lieux, ami chasseur d’abeilles, tandis que je resterai auprès des chiens pour les empêcher d’aboyer trop haut.

— Moi ! s’écria Paul en enfonçant une main dans ses cheveux épais, en homme qui croit prudent de réfléchir deux fois avant de se charger d’une entreprise si formidable ; — écoutez, vieux Trappeur, je me suis trouvé en habit de toile de coton au milieu de bien des essaims qui avaient perdu leur reine, sans avoir peur, et permettez-moi de vous dire que l’homme qui est capable d’agir