Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/279

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vingt-quatre heures je vous aurai construit un canot en état de nous porter tous, à l’exception du baudet. Hélène que voici ne manque pas d’agilité ; mais elle ne gagnerait pas un prix à la course, et il serait plus commode de faire six à sept cents milles sur une barque, que de courir dans des Prairies comme une troupe d’élans. D’ailleurs l’eau ne laisse aucunes traces.

— Je n’en jurerais point, répondit le Trappeur ; j’ai souvent pensé que les yeux d’une Peau Rouge découvriraient des traces dans l’air.

— Voyez, Middelton, s’écria Inez avec la vivacité de la jeunesse, cédant à un élan de plaisir qui lui faisait oublier un instant sa situation, que ce ciel est beau ! certainement il nous promet des temps plus heureux.

— Il est radieux en effet, répondit son mari ; cette bande d’un rouge vif a quelque chose de céleste, et voici un cramoisi encore plus brillant. J’ai rarement vu le soleil se lever revêtu de plus riches couleurs.

— Le soleil se lever ! répéta lentement le vieillard en redressant la tête d’un air inquiet, tandis qu’il avait les yeux fixés sur les teintes variables et certainement belles qui se peignaient sur la voûte des cieux. Le soleil se lever ! je n’aime point à voir le soleil se lever de cette manière. Hélas ! les coquins nous ont entourés d’une manière terrible. La Prairie est en feu.

— Que le Dieu du ciel nous protège ! s’écria Middleton en serrant Inez contre son cœur, frappé soudain de l’idée du danger imminent qui les menaçait. Il n’y a pas de temps à perdre, vieillard ; chaque instant est un jour. Fuyons !

— Où ? lui demanda le Trappeur avec calme et dignité en lui faisant signe de s’arrêter. Dans ce désert d’herbes et de roseaux vous êtes comme un vaisseau sans boussole sur les grands lacs. Un seul pas fait du mauvais côté peut nous conduire tous à notre perte. Il est rare que le danger soit assez pressant pour ne pas permettre à la raison de faire entendre sa voix, jeune officier. Écoutons donc ce qu’elle nous ordonnera.

— Quant à moi, dit Paul Hover en regardant autour de lui avec une expression d’inquiétude qui n’avait rien d’équivoque, j’avoue que si ce lit d’herbes sèches était en flamme, une abeille aurait besoin de voler plus haut que de coutume pour empêcher ses ailes d’être brûlées. C’est pourquoi, vieux Trappeur, je suis de l’avis du capitaine, et je dis : à cheval et partons.