Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/29

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son grand âge donnait un nouveau poids à ses paroles. Ses récits intéressant tellement ses auditeurs qu’ils restaient immobiles autour de lui, silencieux comme le tombeau. Le vieillard fut obligé de relever lui-même la conversation, ce qu’il fit par une de ces questions indirectes si fort en usage chez les habitants des frontières.

— Il ne vous a pas été facile de traverser à gué les courants d’eau et de pénétrer aussi avant dans les Prairies avec vos attelages de chevaux et vos troupeaux de bêtes à cornes ?

— J’ai suivi la rive gauche du grand fleuve, répondit l’émigrant, jusqu’à ce que j’aie vu que le courant nous conduisait trop vers le nord. Alors nous l’avons traversé sur des radeaux sans trop souffrir. La femme a perdu une toison ou deux sur la tonte de l’année prochaine, et les filles ont une vache de moins dans leur troupeau. Depuis ce temps nous nous en sommes tirés à merveille en jetant un pont sur les petites rivières qui se présentaient presque tous les jours.

— Il est probable que vous continuerez à avancer vers l’ouest, jusqu’à ce que vous trouviez une terre plus convenable pour vous y établir.

— Jusqu’à ce que je voie quelque raison pour m’arrêter ou pour revenir sur mes pas, répondit l’émigrant d’un ton brusque et d’un air mécontent. Il se leva en même temps, et ce mouvement rapide et inattendu mit fin à l’entretien. Le Trappeur suivit son exemple, les autres en firent autant, et, sans faire grande attention à la présence de leur hôte, ils se mirent à commencer leurs dispositions pour la nuit. Des berceaux ou plutôt de petites cabanes avaient été formées avec des branches d’arbres, des couvertures grossièrement fabriquées, et des peaux de buffles, le tout arrangé pèle-mêle, sans qu’on eût en vue autre chose que la commodité du moment. Les jeunes enfants s’y retirèrent aussitôt avec leur mère ; et il est plus que probable qu’ils ne tardèrent pas à être tous plongés dans un profond sommeil. Quant aux hommes, ils avaient encore quelques devoirs à remplir avant de songer au repos. Il fallait compléter leurs ouvrages extérieurs de défense, donner de nouveau fourrage au bétail, couvrir les feux avec soin, et choisir ceux qui devaient veiller pour la sûreté de la troupe pendant la nuit.

Pour se fortifier davantage, ils traînèrent quelques troncs d’arbres pour remplir les intervalles laissés entre les chariots, et ils