Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/324

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

à l’entrée des plus humbles tentes, et il ne s’y trouvait aucun es articles de la vie civilisée, qui sont d’un si grand prix aux yeux des Indiens, et qu’ils achètent aux marchands en faisant des échanges, dans lesquels leur ignorance est toujours du dupe. Le chef généreux s’en procurait pourtant, mais c’était pour les donner aussitôt à ses subordonnés, afin d’acheter une influence qui mettait à sa disposition leurs vies et leurs personnes, espèce de fortune qui était assurément plus noble par elle-même, et qui était bien plus chère à son ambition.

Le vieillard savait parfaitement que c’était la tente de Mahtoree, et, obéissant au geste du chef, il en prit le chemin à pas lents, quoique à regret. Mais il y avait d’autres personnes, également intéressées au résultat de la conférence qui allait avoir lieu, auxquelles il était impossible de surmonter si aisément leurs craintes. Le regard vigilant, l’oreille jalouse de Middleton lui en avaient appris assez pour remplir son âme des plus horribles pressentiments. Faisant un effort incroyable, il parvint à se dresser sur ses pieds, et s’écria en appelant le Trappeur qui s’éloignait :

— Je vous en conjure, vieillard : si l’attachement que vous aviez pour mes parents était plus que de vains mots, ou si l’amour que vous portez à votre Dieu est celui d’un chrétien, ne prononcez pas une syllabe qui puisse blesser les oreilles de l’innocente victime…

Il n’en put dire davantage ; ses forces étaient épuisées ainsi que son courage, et tombant à terre comme une masse inanimée, il y reste étendu dans l’immobilité de la mort.

Paul ne voulut pas que l’exhortation restât incomplète, et il se chargea de l’achever à sa manière.

— Écoutez, vieux Trappeur, s’écria-t-il en faisant de vains efforts pour joindre le geste aux paroles : si vous vous apprêtez à jouer le rôle d’interprète, ne faites retentir aux oreilles de ces damnés sauvages que les paroles qu’il convient à un blanc de dire et à un païen d’entendre. Dites-lui de ma part que s’il tient le moindre propos, s’il fait la moindre chose à la jeune fille qui se nomme Nelly Wade, je le maudirai à mon dernier soupir, je prierai tous les bons chrétiens du Kentucky de le maudire, assis et debout, buvant et mangeant, se battant et priant, ou aux courses de chevaux, en dehors comme en dedans, en été comme en hiver, ou dans le mois de mars ; en un mot, je… oui, c’est un fait moralement vrai… je reviendrai le poursuivre et m’attacher partout