Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/329

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d’inaction, d’ouvrir son cœur aux doux sentiments d’un père et d’un époux.

Nous avons cherché dans toutes les occasions à montrer que, si sous beaucoup de rapports Mahtoree était un franc guerrier des Prairies, il était beaucoup plus avancé que son peuple, en cela que son esprit s’était déjà ouvert à quelques idées qui sont comme l’aurore de la civilisation. Il avait eu de fréquentes relations avec les marchands et les troupes du Canada, et elles avaient suffi pour déraciner quelques-unes de ces opinions sauvages qui étaient en quelque sorte son droit de naissance, sans cependant en substituer d’autres à la place qui fussent assez distinctes pour qu’il pût en retirer quelque profit. De même qu’une foule d’hommes plus éclairés, qui s’imaginent pouvoir affronter les orages de la vie humaine, sans autre appui que leur propre courage, ses principes de morale étaient fort accommodants, et il ne connaissait d’autre mobile que l’égoïsme. Ces points de ressemblance ne doivent pas étonner entre des hommes qui possèdent essentiellement la même nature, quelque modification qu’elle puisse subir par l’effet des circonstances.

Malgré la présence d’Inez et d’Hélène, l’entrée du guerrier teton dans la tente de son épouse favorite fut celle d’un maître. Le bruit de ses mocassins était presque insensible ; mais celui de ses bracelets et des ornements d’argent qui entouraient ses jambes suffit pour annoncer son arrivée, lorsqu’il tira la peau qui fermait l’entrée de la tente, et qu’il parut en présence des trois femmes. À sa vue Tachechana, dans le premier moment de sa surprise, ne put retenir un faible cri de joie ; mais cette émotion fut réprimée au même instant, et fit place à ces manières réservées qui devaient caractériser une matrone de sa tribu. Au lieu de rendre à sa jeune épouse le regard qu’elle jetait sur lui à la dérobée, Mahtoree se dirigea vers la couche occupée par ses captives, et se plaça devant elles dans l’attitude fière et imposante d’un chef indien. Le vieillard s’était glissé derrière lui, et s’était déjà placé de manière à pouvoir s’acquitter des fonctions qu’il avait reçu l’ordre de remplir.

Les deux femmes restèrent un instant muettes de surprise, et respirant à peine. Quoique accoutumées à voir des guerriers sauvages couverts de leur horrible armure, il y avait quelque chose de si frappant dans la brusque entrée de Mahtoree, quelque chose de si audacieux dans ses regards, qu’un sentiment de terreur et