Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 7, 1839.djvu/331

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à quel point il désapprouvait ce langage, la langue d’une Peau Rouge doit prendre une couleur blanche, avant de pouvoir faire de la musique aux oreilles d’une femme des Visages-Pâles. Si je répétais vos paroles, mes filles fermeraient leurs oreilles, et Mahtoree paraîtrait un marchand à leurs yeux. Or, écoutez ce qui sort d’une tête grise, et ensuite parlez en conséquence. Mon peuple est un puissant peuple. Le soleil se lève à l’orient sur les frontières de ses États et il se couche aussi sur leurs frontières l’occident. La terre est remplie de jeunes filles aux yeux brillants et aux doux sourires, telles que celles que vous voyez. Oui, Teton, je ne dis pas d’imposture, ajouta-t-il en voyant que le chef montrait un air d’incrédulité, je vous le répète, aux yeux brillants et aussi agréables à voir que celles qui sont devant vous.

— Mon père a-t-il cent femmes ? dit le sauvage en l’interrompant, et en posant la main sur l’épaule du Trappeur, comme s’il prenait un vif intérêt à sa réponse.

— Non, Dahcotah ; le maître de la vie m’a dit : Vis seul ; la forêt sera ton asile, les nuages seront le toit de ton wigwam. Mais quoique je n’aie jamais été soumis personnellement à l’influence de cette foi secrète, qui, dans ma nation, attache un homme à une femme, j’ai vu plus d’une fois les effets de cette affection qui des deux n’en fait qu’un seul. Allez dans le pays de mon peuple, vous verrez les filles du sol voltiger à travers les villes comme autant d’oiseaux au brillant plumage dans la saison des fleurs. Vous les verrez chanter et se réjouir le long des grands sentiers, et vous entendrez les bois retentir de leurs joyeux ébats. Elles sont très-bonnes à voir, et les jeunes garçons trouvent du plaisir à les regarder.

Wagh ! s’écria Mahtoree attentif.

— Oui, vous pouvez ajouter foi à ce que vous entendez ; car ce n’est pas un mensonge. Mais lorsqu’un jeune homme a rencontré une fille qui lui plaît, il lui parle d’une voix si basse qu’elle seule peut l’entendre ; il ne lui dit pas : ma tente est vide, et il y a encore place pour une autre ; — mais bien : bâtirai-je une tente ? et la jeune vierge veut-elle me montrer près de quelle source elle désire habiter ? Sa voix est plus douce que le miel du carouge[1], et elle entre délicatement dans l’oreille comme le chant du roi-

  1. Le carouge ou caroubier est un arbre d’Afrique et de l’Europe méridionale. Il s’agit ici du carouge à miel, nom qu’on donne en Amérique au févier à trois épines, gleditsià triacanthos. La pulpe de ses fruits sert à faire une liqueur fermentée.